Politique allemande de santé : Hegel en piqûre de rappel ?

La formule employée par Karl Lauterbach ne se trouve en fait pas directement chez Hegel, mais dans un commentaire de Hegel par Friedrich Engels. Dans son Anti-Dühring (1877), le compagnon de route de Marx écrit : « Hegel est le premier à avoir exposé correctement la relation qui existe entre liberté et nécessité. Pour lui, la liberté est le discernement de la nécessité. » Et d’expliquer ce qu’il entend par là : « La liberté réside non pas dans un rêve d’indépendance par rapport aux lois de la nature », dans la fiction d’un homme complètement affranchi de toute détermination, « mais dans la connaissance de ces lois et la possibilité conjointe de les mettre au service de fins déterminées. Ceci est vrai par rapport tant aux lois de la nature extérieure qu’à celles qui règlent jusqu’à l’existence corporelle et mentale de l’homme. […] La libre volonté ne veut donc dire rien d’autre que la faculté de pouvoir décider avec compétence. […] La liberté consiste donc en la maîtrise de nous-mêmes et de la nature extérieure, fondée sur la connaissance des nécessités naturelles. » L’histoire humaine est l’histoire du développement de cette compréhension libératrice.

Se vacciner est-il une nécessité ?

Est-ce en ce sens que Lauterbach emploie la formule ? Pas vraiment. Du moins, dans sa bouche, l’idée de nécessité est frappée d’une certaine ambiguïté. Elle se drape d’une dimension morale. La nécessité n’est pas seulement la nécessité empirique des lois de la nature. Elle tient davantage du devoir-être, du devoir-faire (se vacciner) – d’un arrachement à la sphère de l’être. Engels ne s’intéresse qu’à cette dernière dans le passage cité. La sphère de l’être est la sphère des moyens. Quant à la sphère des fins, elle procède manifestement d’une autre logique pour Engels. Mais qu’en est-il pour Hegel, qui est la source d’Engels ?