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Société

Suicide, l'impensé français

Cédric Enjalbert publié le 05 décembre 2014 4 min

L’Observatoire national du suicide vient de publier son premier rapport en novembre 2014. L’état des lieux fait ressortir un taux de suicide important et propose des pistes de prévention, ramenant sur le devant de la scène cette réalité qu’on ne saurait voir : la souffrance et la mort, envers lesquelles la société a sa responsabilité.

 

11 400 suicides, soit une mort sur cinquante, et 200 000 tentatives en France en 2011. Ce sont les chiffres consignés par l’Observatoire national du suicide, mis en place l’an passé, dans son premier état des lieux, qui vient d’être publié en novembre 2014. Il résulte de travaux débutés en 2008 et confiés à un comité présidé par le sociologue David Le Breton.

On y découvre que le taux de suicide français (18 pour 100 000 habitants) est l’un des plus importants en Europe (dont la moyenne est de 12 pour 100 000 habitants), tandis que son espérance de vie est parmi les plus élevées ; que les hommes meurent plus en se suicidant que les femmes ; que l’on se suicide plus selon son activité professionnelles, ainsi « les agriculteurs, employés et ouvriers ont un risque de décéder par suicide deux à trois fois plus élevé que celui des cadres » ; que les minorités sexuelles sont aussi plus exposées à ce risque – notamment, 16% des homosexuels interrogés (entre 18 et 54 ans) déclarent au moins une tentative de suicide au cours de leur vie (contre 6% des hétérosexuels; page 174 du rapport ; source: Baromètre santé 2010, INPES).

Enfin, si le suicide constitue la seconde cause de mortalité chez les plus jeunes (entre 15 et 24 ans), le rapport note que « le taux de décès par suicide augmente fortement avec l’âge, et un tiers de celles et ceux qui se suicident ont plus de 60 ans. »

Des constantes

Ce constat corrobore une autre étude menée par l’OMS, publiée en septembre et portant sur le suicide à l'échelle mondiale. Les crises existentielles ou de dépression y apparaissent comme l’une des causes principales de suicide, parfois associée à l’alcoolisme et aux troubles mentaux. Le rapport souligne en outre que les problèmes d’argent, les traumatismes et la précarité comptent parmi les principaux facteurs extérieurs qui favorisent le passage à l’acte. S’agissant de l’augmentation du taux de suicide avec l’âge, une constante : les taux de suicide les plus élevés sont partout enregistrés chez les personnes de plus de 70 ans.

Dépendantes, isolées, en perte d’autonomie, les vieillards sont partout les plus fragiles. Nous le rappelions dans une enquête menée sur la vieillesse et la dépendance : « Aux cas de défenestration dont témoignent les infirmiers s’ajoutent un fort alcoolisme et des épisodes dépressifs majeurs chez 10 % à 15 % des résidents [des Ehpad] au cours de la première année d’institutionnalisation. Ces défis lancés à l’accompagnement de la fin de vie ne peuvent être relevés par les seuls aidants naturels, enfants ou parents, ni même par les soignants. »

Oser y penser

Derrière la rudesse des chiffres énoncés par le rapport se cache une réalité massive à laquelle les Français tournent paradoxalement le dos. Ils sont 71% à déclarer se détourner de l’idée de la mort pour s’adonner en toute tranquillité aux joies de la vie longue. Martin Legros ajoutait dans le dossier « La mort, oser y penser » : « Quand l’espérance de vie était de 30 ou 40 ans ; quand un enfant sur trois mourait à la naissance ; quand la plupart des maladies étaient sans remèdes ; quand, en l’absence d’un État souverain et d’une société policée, les individus vivaient sous l’emprise de la peur de la mort violente, alors le visage des morts faisait partie intégrante de la vie. Chacun était incité à l’anticiper, à s’y préparer. À la vivre en commun avec ses proches. L’ici-bas était orienté par l’attente de l’au-delà. Et puis, soudain, en quelques siècles, ce système s’est effondré. Alors que la croyance religieuse s’effritait, la vie longue a chassé la mort hors de notre champ d’expérience. Elle s’est alors réfugiée dans les hôpitaux, où les médecins sont devenus les maîtres d’un événement médical. »

En bref, l’idéal désormais est de mourir guéri ou en bonne santé. En témoigne la question de l’euthanasie, de la « bonne mort », qui agite régulièrement le débat public. Et même si l’Observatoire national du suicide se défend d’instruire « les questions liées à la fin de vie, qui relèvent de problématiques particulières, en tant que telles, il se nourrit des réflexions menées au sein des instances qui leur sont dédiées ».

Prévenir ?

Pour Albert Camus, auquel l’Observatoire renvoie, le suicide serait le seul « problème philosophique vraiment sérieux » suscité par la « confrontation entre l’appel humain et le silence déraisonnable du monde ». Car « mourir volontairement suppose qu’on a reconnu, même instinctivement […], l’absence de toute raison profonde de vivre, le caractère insensé de cette agitation quotidienne et l’inutilité de la souffrance ». Les membre de l’Observatoire s’appuient sur la réflexion du philosophe doutant que le suicide puisse être simplement considéré comme « un acte mûrement réfléchi, qu’il serait illégitime de tenter d’empêcher ». Sur la base de cette étude, ils prévoient au contraire un plan d’action visant à prévenir le suicide. Cette ambition repose sur une conviction :

“Les membres de l’Observatoire considèrent ainsi que la plupart des personnes qui attentent à leur vie le font non parce que la vie en général ne leur semble pas valoir la peine d’être vécue, mais parce qu’ils ne trouvent pas d’autre issue dans leur vie en particulier. Le suicide constitue un choix par défaut, lorsque les autres moyens de soulager la souffrance semblent inaccessibles. Les fortes inégalités sociales de mortalité par suicide montrent que cet espace des choix ne se présente pas de la même manière en haut et en bas de l’échelle sociale. La société contribue à façonner l’horizon des possibles des existences individuelles, la façon dont ils sont perçus, et la reconnaissance dont peuvent bénéficier ses membres”

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