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Salle Est de la Maison-Blanche, le 22 janvier 2017 : Donald Trump congratule son ancien directeur de campagne Steve Bannon, qu'il nomme conseiller stratégique de la nouvelle équipe exécutive. Poursuivi en justice pour détournements de fonds, Bannon est gracié par Trump au dernier jour de son mandat présidentiel, le 20 janvier 2021. © Mandel Ngan/AFP

Un classique éclaire le présent

La grâce et le pardon : Trump contre Derrida

Octave Larmagnac-Matheron publié le 20 janvier 2021 4 min

73 : c’est le nombre de personnes que Donald Trump a décidé, à la dernière minute, de gracier ou dont il a commué la peine. Dernier geste de son mandat, alors que Joe Biden prend, aujourd’hui, la tête des États-Unis. Parmi les chanceux blanchis par le président sortant, Steve Bannon, son ancien conseiller, et Elliott Broidy, un collecteur de fonds qui a travaillé pour lui. Plusieurs proches, en somme (mais pas uniquement). L’ex-locataire de la Maison-Blanche a finalement renoncé à se gracier lui-même, comme il l’envisageait. Ce n’est pas, à vrai dire, la première fois que Trump accorde la clémence présidentielle : ces derniers mois, il a en effet gracié Paul Manafort, ancien président de campagne, Charles Kushner, le père de son gendre, et Roger Stone, un ami de longue date. Rien d’étonnant, semble-t-il : Trump s’est, tout au long de son quadriennat, risqué aux limites de la loi. Le pouvoir exceptionnel de grâce qui reconnaît, au sein du droit, la possibilité de s’affranchir du droit, ne pouvait que le séduire. Au risque, comme le montre Jacques Derrida, d’oublier le sens de la grâce… qui est la capacité de pardonner au nom de la société.

 

  • Étrange pouvoir que la grâce présidentielle. Comme l’explique Jacques Derrida dans Pardonner (Éditions Galilée, 2012), « La seule inscription du pardon dans le droit, dans la législation juridique, c’est sans doute le droit de grâce, droit régalien d’origine théologico-politique qui survit dans des démocraties modernes, dans des républiques laïques comme la France ou des démocraties semi-laïques comme les États-Unis. […] Ce droit régalien de grâce, cette souveraineté toute-puissante (le plus souvent de droit divin) place le droit au pardon au-dessus des lois. C’est sans doute le trait le plus politique ou le plus juridique du droit au pardon comme droit de punir, mais c’est aussi ce qui interrompt, dans le juridico-politique même, l’ordre du juridico-politique. »
  • La grâce est, au sein du droit, une exception au droit : « C’est l’exception au juridico-politique dans le juridico-politique. » Il n’est pas étonnant, connaissant le goût de Donald Trump pour l’action aux limites de la légalité, que le président sortant se soit emparé du motif de la grâce. « Le pardon nous semble ne pouvoir être demandé ou accordé que “seul à seul”, en face-à-face, si je puis dire, sans médiation, entre celui qui a commis le mal irréparable ou irréversible et celui ou celle qui l’a subi », précise Derrida. En graciant 73 personnes d’un coup, et non pas une personne singulière (à l’instar de François Hollande graciant Jacqueline Sauvage), Trump ne dévoie-t-il pas, précisément, la logique de la grâce ? Il y a sans doute déjà, il est vrai, dans la forme politique du pardon, un vice de forme puisqu’il revient à la société, non à l’individu, de pardonner. La grâce n’est jamais un « face à face », ce qui autorise à gracier « en masse ». Trump s’engouffre, sans vergogne, dans cette brèche.
  • L’ex-président pardonne par ailleurs moins au nom de la société qu’en fonction de son intérêt propre : il gracie certains de ses anciens conseillers, de ses anciens collaborateurs. Des proches, des individus qu’il a des raisons de pardonner [même en ce qui concerne le célèbre rappeur afro-américain Lil Wayne, par exemple, dont la grâce pour possession d’arme à feu peut, dans le lot, paraître des plus surprenantes, le paradoxe n’est qu’apparent]. Deuxième épée plantée dans le dos du pardon : comme le précise Derrida, nous ne pouvons vraiment pardonner que ce que nous n’avons aucune raison de pardonner : « Le pardon, s’il y en a, ne doit et ne peut pardonner que l’impardonnable, l’inexpiable – et donc faire l’impossible. » Le pardon est infiniment difficile, il implique de dépasser tout ce qui nous incite à ne pas pardonner. Rien à voir avec le cas Trump qui n’a, manifestement, eu aucun mal à envisager de gracier ses anciens conseillers. C’est tout juste, semble-t-il, s’il considère que les fautes qu’ils ont commises (détournement de fonds, dans le cas de Steve Bannon) relèvent du mal. « Pardonner le pardonnable, le véniel, l’excusable, ce qu’on peut toujours pardonner, ce n’est pas pardonner », écrit encore Derrida.
  • Quant aux graciés du jour, on peut supposer que, s’ils ont demandé à être pardonnés, c’est qu’ils étaient absolument convaincus que leur grâce était possible (et même hautement probable), qu’elle allait de soi pour Trump. Leur demande de grâce est, en ce sens, tout sauf une demande. Rien à voir, donc, avec la faute qui se sait impardonnable et est incapable, en ce sens, de demander pardon. Comme le précise Derrida, le pardon ne peut être accordé qu’à « quelqu'un qui ne le demande pas, qui ne se repent ni ne se confesse, ni ne s’améliore ou ne se rachète. » Le pardon ne s’accorde qu’à celui qui ne peut le demander – à celui qui ne peut se repentir parce que tout repentir est déjà une manière de demander un pardon auquel ils n’ont pas droit. Or, si Bannon et les autres ne se repentent pas, c’est non parce qu’ils se pensent au-delà de tout pardon possible, mais parce qu’ils considèrent, au fond – et avec l’assentiment de Trump – qu’ils n’ont rien à se faire pardonner. Troisième épieu dans le coeur de la grâce. 
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