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Le livre du jour

“La Cité écologique”, par Serge Audier

Octave Larmagnac-Matheron publié le 13 octobre 2020 4 min

Les grandes valeurs de la modernité – progrès, humanisme, liberté, universalité – sont-elles responsables de la crise écologique ? Devons-nous revoir intégralement notre logiciel de pensée pour faire face au dérèglement climatique ? C’est la question que pose le dernier ouvrage du philosophe Serge Audier, La Cité écologique. Pour un éco-républicanisme (La Découverte, 2020). Dernier volet d’une trilogie entamée avec La Société écologique et ses ennemis (La Découverte, 2017) et L’Âge productiviste. Hégémonie prométhéenne, brèches et alternatives écologiques (La Découverte, 2019), cette somme de 800 pages souligne, contre l’immense majorité des penseurs contemporains de l’écologie, prêts jeter aux orties l’héritage de la Renaissance et des Lumières, que notre tradition politique républicaine offre de précieuses ressources pour affronter les problématiques environnementales. Faire table rase est une solution séduisante mais caricaturale, qui n’amènera rien de bon. À la radicalité professée, Audier préfère la subtilité d’une réflexion sur l’adaptation nécessaire des institutions républicaines, afin de permettre l’avènement d’une « cité écologique. »

 

  • La Modernité porte en elle une idéologie de « domination prométhéenne et instrumentale » de la nature, affirment en choeur les penseurs de l’écologie. En exaltant la marche inarrêtable du progrès, elle a donné naissance au productivisme industriel et capitaliste – à grands renforts de techniques toujours plus performantes d’exploitation. En valorisant la liberté des hommes, elle a nourri un individualisme toujours plus débridé, égoïste, déraciné et insensible au sort de la planète. En professant l’universalisme, elle est devenue aveugle aux agencements fragiles et singuliers qui se tissent entre les vivants. En se revendiquant de l’humanisme, enfin, elle a conduit à l’émergence d’une vision anthropocentrique du monde dans laquelle seul compte le destin de l’Homme. Le constat semble imparable. Et la réponse inévitable : nous devons faire « table rase » de cet héritage qui, de la Renaissance aux Lumières, nous transforme en prédateurs de la Terre.
  • Serge Audier prend le contrepied de cette opposition trop binaire pour être honnête. La modernité, en effet, n’est pas « monolithique » ; elle possède, au moins, deux significations qui, si elles ont presque toujours été confondues, n’en sont pas moins distinctes : « d’une part, le projet d’autonomie individuelle et collective, et, d’autre part, le projet de maîtrise rationnelle du monde. » Le second projet est, évidemment, porteur de destruction. Le premier, cependant, est parfaitement légitime. Il est d’ailleurs au coeur du grand idéal politique des Lumières : l’établissement d’une République – le régime de la « chose commune » et de « l’intérêt général ».
  • Tout l’objectif d’Audier consiste, justement, à concilier cet idéal républicain d’autonomie avec l’exigence écologique. La tâche s’avère, d’emblée, ardue. Comment, en effet, concilier l’objectif d’autonomie avec la prise de conscience de notre interdépendance à l’égard des autres vivants ? Remplacez “vivants” par “hommes” et vous voilà de fait face à une question fondamentale posée par les philosophes des Lumières : nous dépendons toujours des autres hommes d’une manière ou d’une autre. Comment, alors, faire en sorte que ce réseau d’interdépendance ne se transforme pas en aliénation pour certains hommes ? Seule solution : chaque individu doit prendre part à l’élaboration de la loi commune que la société se donne à elle-même – c’est l’idée même du républicanisme. Ce modèle, anthropocentrique, d’une « autonomie interdépendante », peut être repris à l’aune des problématiques écologiques.
  • Ainsi, pour Audier, le républicanisme doit « s’hybrider » avec la pensée écologique pour donner naissance à des dispositifs « mixtes » (« service civique écologique », « quasi-propriétés socialisées », etc.) Le cadre républicain est, à vrai dire, le seul pertinent pour faire face à la crise environnementale, car il est fondé sur une « recherche toujours précaire d’un intérêt général » qui est et doit rester « ouverte ». C’est en effet parce que le « bien commun » y est objet de disputes, de négociations, de délibérations jamais définitives que la République, depuis ses origines censitaires, a pu inclure, au fil des siècles, les pauvres, les femmes, les étrangers… et peut-être, demain, les « êtres non humains » qui composent aussi l’espace commun de nos existences et possèdent leurs propres intérêts.
  • Non que les autres vivants doivent être considérés comme des personnes à l’égal des hommes (Audier insiste sur la « spécificité du monde humain ») ; toutefois, il est à ses yeux impératif de reconnaître « la diversité et l’hétérogénéité des êtres ». Nous y sommes, à vrai dire, déjà habitués, car la République se fonde sur la pluralité humaine et la conflictualité des intérêts. La solidarité au sens littéral, c'est-à-dire le fait de tenir les uns aux autres, est une réalité avant d’être une valeur : toute action politique doit prendre en compte l’intrication des existences humaines. Cependant, cette solidarité n’est pas une harmonie préétablie qui exclurait les affrontements et les divergences d’intérêts : elle est toujours, en même temps, « coopérative-conflictuelle ». Historiquement, elle n’inclut que les êtres humains ; elle peut, et doit, désormais, prendre en compte toute la biomasse. Le passage à la « cité écologique » s’apparente alors à un « élargissement » nuancé de notre héritage politique, plus qu’à un grand chambardement. 

 

La Cité écologique. Pour un éco-républicanisme de Serge Audier paraîtra à La Découverte 15 octobre (752 p. / 28 € en version papier, 18,99 € en version numérique)

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