"Écofascismes" : comment l'extrême droite s'est emparée de l’écologie
Le concept d’« écofascisme », né dans les années 1970, s’impose de plus en plus dans le paysage de la pensée écologique. Souvent confus, il méritait l’éclaircissement méthodique auquel se livre le sociologue Antoine Dubiau dans Écofascismes (Grevis, 2022), une étude archéologique et contemporaine de la notion. Fondé sur un double processus, procédant à la fois d’une fascisation de l’écologie et d’une écologisation du fascisme, ce concept fait l’objet depuis les années 2000 d’une appropriation renforcée de l’extrême droite qui, à partir d’une défense du principe de nature et de l’écologie intégrale, verdit son récit réactionnaire.
La gauche n’a pas le monopole de l’écologie
L’archéologie de la pensée écologique attribue généralement à la gauche la paternité d’une vision du monde intégrant la critique de l’emprise de la technique sur la société, la critique du productivisme ou la perte du sentiment de la nature. Une vision un peu trop simple, lorsqu’on mesure par exemple la puissance du productivisme dans le logiciel de la gauche durant des décennies. Mais surtout, la pensé écologique hérite de plusieurs autres registres politiques, dont certains très marqués à droite, voire à l’extrême droite. Dans son enquête précise et fouillée, Écofascismes, Antoine Dubiau observe que si l’extrême droite reste marquée par un « fascisme fossile » (qui nie le réchauffement climatique et défend les industries et énergies fossiles), « des formes marginales d’appropriation sincère de la question écologique existent au sein de celle-ci ». Il s’agit donc de « prendre au sérieux le danger écofasciste », ce qui nécessite d’abandonner un cadrage trop réduit des appropriations politiques de la question écologique. « Jeter un regard attentif sur l’écofascisme passe en premier lieu par le rejet de la position arrogante plaçant naturellement l’écologie à gauche de l’échiquier politique : cette dernière masque complètement les autres formes d’écologie politique. » L’ambition d’Antoine Dubiau consiste à éclairer ce concept d’écofascisme, qui fait souvent l’objet d’usages confus et contradictoires, depuis qu’il fut forgé par des pionniers de l’écologie politique dans les années 1970 comme Bernard Charbonneau et André Gorz, qui pointaient déjà une inquiétude : celle d’une emprise technocratique sur la société à l’aune de ses urgences écologiques. La possibilité de l’écofascisme réside en fait aujourd’hui dans la contingence de deux processus distincts : la « fascisation de l’écologie » et « l’écologisation du fascisme ». « La première se définit comme un ensemble de pentes glissantes vers une conception fasciste de l’écologie, dans les approches écologistes courantes. La seconde se rapporte à l’histoire de l’appropriation de l’enjeu écologique par les idéologues fascisants, voire fascistes. »
Qui est Giorgia Meloni, figure montante de l’extrême droite en Italie, qui devrait sortir renforcée des élections du 25 septembre prochain, voire…
La Chine fait peur, c'est un fait. En 2020, plus que jamais – du moins « de par chez nous ». Trop grande, trop secrète, trop puissante,…
Fascisme, nazisme, stalinisme : pour affronter les trois monstres du XXe siècle, il a fallu forger un mot nouveau, le totalitarisme. L’historien Enzo Traverso retrace le parcours, mais aussi les usages et les malentendus de ce…
Alors qu’un jeune transfuge de la France insoumise passé au Rassemblement national, Andréa Kotarac, vient de fonder avec Hervé Juvin le Parti…
Alors que l’historien israélien est décédé samedi 21 juin 2020, nous republions l'entretien qu'il nous avait accordé en mai 2014, à l'occasion de…
Forme politique inédite, le totalitarisme « diffère par essence des autres formes d’oppression politique que nous connaissons, comme le despotisme, la tyrannie et la dictature 1 » . Ceux-ci prétendaient capter le pouvoir…
Marine Le Pen veut transformer en profondeur le socle idéologique du Front national hérité de son père. Elle puise son inspiration dans la IIIe République. Elle cite des penseurs de la gauche antilibérale. Elle prétend lutter contre le…
Pierre Charbonnier est un philosophe politique de l’écologie. Chercheur au CNRS, il a publié Abondance et liberté. Une histoire environnementale…