La carte carbone individuelle, enfin une bonne idée pour sauver la planète ?
L’idée est simple : donner à chacun le droit de consommer un certain quota de CO2 chaque année. Imaginé dans les années 1990 au Royaume-Uni, ce dispositif écologique repose sur le comportement des individus. Mais le principe de « carte carbone » reste largement méconnu en France. Enquête.
Vous venez de recevoir un courriel de l’Agence nationale du carbone. Nous sommes le 2 janvier 2030 et vous êtes informé(e), comme tous les Français, que votre compte individuel est crédité de neuf tonnes de CO2, seuil au-delà duquel vous serez forcé d’acheter des quotas carbone pour conduire votre voiture ou regarder vos séries. En effet, depuis quelques années, Netflix déclare un débit de points carbone au moment de la facture. Comme votre maraîcher, votre libraire, votre prestataire d’énergie, votre magasin de prêt-à-porter. Chaque jour, vous voyez fondre toutes ces tonnes de CO2. Cette année – le cap de la neutralité carbone l’impose –, la dotation totale a baissé de presque 700 kg.
Au printemps, vous n’irez pas à Sofia en avion. C’est presque 500 kilos aller-retour et vous ne pouvez pas vous le permettre. Vous enchaînez les temps partiels payés au SMIC, alors vous devez vous restreindre. Vous êtes quand même content(e) de voir que vous n’avez même pas dépensé les deux-tiers du solde de l’année dernière. Un pécule carboné que vous pourrez toujours vendre à plus gourmand que vous, dans ces temps de vache maigre. Puis, au fond, même si vous ne partez pas dans les Balkans, cette économie est aussi contrainte que vertueuse. Vous avez pris goût, peu à peu, à une forme d’ascétisme.
Une idée venue d’Outre-Manche
Cette mise en scène ne sort pas d’un livre de fiction scientifique mais d’idées politiques, nées dans le Royaume-Uni des années 1990 et qu’on a rassemblées sous l’expression de « carte carbone ». On y retrouve des scientifiques comme Kevin Anderson. Et surtout des intellectuels comme l’urbaniste, architecte et écologiste Mayer Hillman ou encore l’économiste David Fleming qui, dans un article du magazine Country Life intitulé « Stopping the Traffic » et publié en 1996, lance l’ébauche d’une politique publique où chaque citoyen du pays se verrait remettre un droit de consommer une certaine quantité annuelle d’énergie primaire : gaz, électricité, essence, fioul. Le droit total à polluer est ainsi décomposé en points crédités sur une carte. Pour régler un plein dans une station-service, les particuliers doivent payer en monnaie mais aussi en points carbone, un prix climatique correspondant à la quantité de gaz à effets de serre relâchée.
Dans le système de Fleming et Hillman, les quotas sont les mêmes pour tous les individus. De fait, nous ne consommons pas tous la même quantité d’énergie. En plus de la dotation annuelle, les penseurs imaginent donc une bourse d’échange où les plus économes vendent des points carbone aux plus consommateurs qui dépassent leur quota, les prix évoluant en fonction de l’offre et de la demande. Globalement, cette nouvelle valorisation des biens et des services devrait générer des comportements vertueux. La recherche de la rentabilité économique des investissements deviendrait ainsi indissociable de la rentabilité carbone. En toute hypothèse, investir dans un appartement mal isolé – donc plus coûteux en points carbone – ne pourrait plus être une bonne affaire. Le kilo de tomates du Brésil risque de coûter bien plus cher aussi. Le calcul de l’empreinte prend tout en compte : les moyens de production, la provenance comme les modes de transport. Si les tomates viennent d’Andalousie par camion, il n’est pas certain que l’empreinte soit supérieure aux tomates transportées par camionette du village situé à soixante kilomètres. Chacun pourrait arbitrer en un coup d’œil.
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