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Jérôme Fourquet en 2020. ©Simon Lambert/Haytham/Réa

Entretien

Jérôme Fourquet : “Jeff Bezos est dans notre cerveau !”

Jérôme Fourquet, propos recueillis par Denis Maillard publié le 04 janvier 2022 14 min

En quarante ans, la France est passée d’une économie industrielle à une économie de services. Un changement qui a eu des conséquences profondes dans nos modes de vie et nos représentations. Le politologue Jérôme Fourquet et l’essayiste Jean-Laurent Cassely décryptent ces transformations majeures, quoique parfois imperceptibles, dans leur essai La France sous nos yeux. économie, paysages, nouveaux modes de vie (Seuil, 2021). Denis Maillard, philosophe et consultant en relations sociales, a interviewé Jérôme Fourquet pour éclairer cet ouvrage passionnant.

 

Dans votre livre, vous montrez que les conditions matérielles déterminent les modes de vie et les représentations, suivant un schéma que l’on pourrait dire marxiste. Pourtant, dans l’un de vos précédents essais, L’Archipel français, vous meniez une analyse plus wébérienne, où la transformation de la « matrice catholique » était, selon vous, responsable des mutations en cours. Alors, de qui vous réclamez-vous vraiment : Marx ou Weber ?

Jérôme Fourquet : Les deux mon général ! La France sous nos yeux offre un regard complémentaire à L’Archipel français, un peu à la manière d’un projecteur qui éclaire un bâtiment la nuit : suivant l’endroit où on le place, on n’observe pas la même chose. Or, pour bien observer un lieu ou un pays, il est nécessaire de le regarder sous plusieurs angles. C’est la même chose avec la France qui nécessite bien au moins deux ouvrages pour en saisir les transformations profondes. Les points de vue ne sont pas les mêmes : dans L’Archipel français, on s’intéresse à des phénomènes au long cours : on y évoque, par exemple, l’effet du concile Vatican II sur le catholicisme français ; on remonte le temps lorsqu’on analyse l’ensemble des prénoms donnés aux enfants durant un siècle, etc. Les temporalités sont donc différentes. La France sous nos yeux prend comme point de départ des transformations économiques plus récentes et les effets résultant du passage d’une économie industrielle à une économie de services.   

“Le lent processus d’autonomisation de l’individu touche les structures familiales, les affiliations politiques, et, en retour, les structures économiques s’y adaptent aussi”
Jérôme Fourquet

 

On comprend cette variété de points de vue, plutôt bienvenue et passionnante à découvrir, mais on ne peut s’empêcher de se demander s’il est admissible philosophiquement de tenir les deux explications ensemble ou bien si l’une l’emporte sur l’autre ? Une synthèse est-elle possible ou bien un phénomène est-il plus structurant que l’autre ? 

Ce n’est pas évident de vous répondre de manière affirmative sur un plan théorique. Notre approche est d’abord empirique et pragmatique… On étudie des phénomènes statistiques auxquels on tente de donner un sens. Il s’agit donc d’études appliquées, pas d’ouvrages théoriques. Il n’en reste pas moins qu’on peut se demander, en effet, si « en dernière instance », comme disent les marxistes, c’est l’explication par la religion ou l’explication par l’économie qui l’emporte… Weber ou Marx, pour reprendre vos mots. Pour répondre à cette question, il faut prendre un peu de hauteur sur les phénomènes observés : les deux transformations analysées dans chaque ouvrage – culturelles et économiques – ne sont pas leurs propres causes. Ce qu’on remarque par-dessus tout c’est le principe actif qui préside à toutes ces évolutions de long et de moyen termes : le lent processus d’autonomisation de l’individu ; il touche les structures familiales, les affiliations politiques ; et en retour, les structures économiques s’y adaptent aussi… 

 

Donc ni Marx ni Weber, mais plutôt… Tocqueville ! Un Tocqueville revu par Marcel Gauchet qui montre que notre modernité obéit à une histoire du sujet épousant un processus d’individualisation qui va en s’accélérant.   

Si vous voulez. Il y a en effet un état anthropologique sous-jacent à toutes ces évolutions qui se résume assez bien dans la progressive autonomie de l’individu. Si l’on accepte celle-ci, on constate – empiriquement en ce qui nous concerne – qu’elle emporte des conséquences à tous les niveaux de la société, notamment économiques et en matière de consommation. C’est ce que décrit La France sous nos yeux. Facteurs économiques ou facteurs culturels, il existe en deçà de ceux-ci un élément qui les relie, c’est l’autonomie individuelle, partagée à tous les niveaux de la société. Évidemment, on n’est pas individu autonome de la même manière que l’on appartienne à une catégorie sociale ou à une autre. Mais les membres de toutes les catégories recherchent cette autonomie. C’est pour cela que l’on s’intéresse beaucoup aux divers modes de consommation, ils disent tous quelque chose de cette individualisation. Si nous devions inscrire nos travaux dans une filiation théorique, on pourrait les rapprocher de la sociologie d’inspiration tocquevillienne de Gilles Lipovetsky, mâtinée d’une lecture de Houellebecq et d’un intérêt particulier pour les phénomènes de consommation. En faisant toutefois attention aux explications monocausales : tout ne se résume pas à l’individu et à lui seul ; il n’explique pas, par exemple, la désindustrialisation dont la description occupe toute la première partie du livre. Toutefois l’individualisation est bien présente dans les réponses économiques apportées à cette désindustrialisation, à travers l’approfondissement de la société de consommation et désormais de loisirs.   

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