Jean-Gabriel Ganascia : “Nous passons de la surveillance à la ‘sousveillance’”

Jean-Gabriel Ganascia, propos recueillis par Fabien Trécourt publié le 3 min

Trois questions à… Jean-Gabriel Ganascia. Avec Internet, un nouveau contrôle social se met en place, à la fois plus libéral et plus dangereux.

Après l’abandon d’Edwige, le gouvernement a créé par décret un fichage mentionnant l’origine géographique. Est-ce une menace pour les libertés individuelles ?

C’est une crainte légitime. Avec le précédent projet Edwige, le fait de noter l’appartenance politique ou syndicale a suscité des peurs. Cette fois, c’est la notion d’origine géographique qui laisse une marge d’interprétation importante à la puissance publique. Or la surveillance par l’État rappelle des souvenirs terrifiants, liés aux régimes totalitaires. Aujourd’hui, les antennes radiofréquences, les cartes à puce – crédit, santé, transports… – et les myriades de caméras installées dans les villes peuvent donner une idée assez précise de nos activités. La centralisation des données réveille le spectre de « Big Brother ». Cette peur est plus généralement celle d’une « société de surveillance » que Michel Foucault a décrite dans Surveiller et punir. Il s’appuie sur un modèle imaginé par Jeremy Bentham, le Panopticon. Cette prison permet à un petit nombre d’individus d’en surveiller un grand nombre. Les gardiens peuvent voir sans être vus. Ainsi, les détenus ont toujours le sentiment d’être observés, même si les gardiens relâchent leur attention. Selon Foucault, cette relation au pouvoir structure les lieux publics et marque l’avènement de la modernité : le pouvoir royal s’est transformé avec l’avènement d’une société disciplinaire dans un État de droit, où le souverain surveille des sujets. Mais aujourd’hui, malgré les apparences, ce modèle est en train de disparaître.

Expresso : les parcours interactifs
Aimer sa moitié avec le Banquet
On dit parfois que la personne aimée est « notre moitié », celui ou celle qui nous complète. L'expression pourrait trouver son origine dans le mythe des androgynes, raconté dans le Banquet de Platon ! Découvrez ce récit fascinant.
Sur le même sujet

Article
10 min
Michel Eltchaninoff

Internet va-t-il accélérer la fin de l’histoire, imposer la démocratie contre les pouvoirs illégitimes ? Pas si sûr, tant ce nouvel espace public…

La cryptographie au secours de la démocratie

Article
13 min
Patrick Williams

Prise de conscience humanitaire ou écologique, crise sociale… On pourrait s’attendre à ce que de plus en plus de gens s’engagent. Pourtant, nous…

Pourquoi ils s’engagent (et moi pas) ?

Article
2 min
Octave Larmagnac-Matheron

Le vrai effet de la surveillance, selon Foucault, c’est que, même lorsqu’il n’y a personne pour l’observer, l’individu “non seulement se croi[t],…

Agir sous surveillance



Article
3 min
Octave Larmagnac-Matheron, Sven Ortoli,

Dans l’univers complexe qu’il avait créé, Tolkien avait même croqué à sa manière un Big Brother avant la lettre. Petit panorama des éléments de sa…

Tenir à l’Œil : Tolkien et la surveillance