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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Dossier/Peut-on changer de logique ?

Frédéric Nef, l’homme aux mille logiques

Frédéric Nef, propos recueillis par Michel Eltchaninoff publié le 23 septembre 2021 14 min

Nous sommes allés rendre visite à un spécialiste de logique et de métaphysique qui aime jongler avec des traditions de pensée parfois divergentes. Frédéric Nef nous raconte la grande histoire de la logique et montre qu’en changer n’est pas si sorcier. Entretien. 

 

Ce philosophe singulier joue avec les logiques comme un linguiste le ferait avec les langues. Membre de l’Institut Jean-Nicod et directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, Frédéric Nef a défendu la tradition métaphysique – notamment anglo-saxonne – dans Qu’est-ce que la métaphysique ? (Gallimard, 2004) contre tous ceux qui la croyaient morte ou voulaient la déconstruire. Avec La Force du vide (Seuil, 2011), il a mobilisé la pensée bouddhiste pour définir le néant. Et dans La Connaissance mystique (Les Éditions du Cerf, 2018), il a abordé l’idée de la connaissance de Dieu en rationaliste. Il fait paraître en novembre aux Éditions du Cerf un ouvrage intitulé La mort n’existe pas. C’est dire si, avec lui, tous les sujets, des plus spéculatifs aux plus existentiels, passent au crible d’une pensée rationnelle mais libre de se déployer dans toutes les directions. 

Appartenant au courant des possibilistes, qui prend au sérieux l’hypothèse d’une multiplicité de mondes possibles, Frédéric Nef est l’interlocuteur idéal pour retracer la grande histoire de la logique, d’Aristote à nos jours.


Est-il possible de changer de logique ?

Frédéric Nef : Bien sûr ! Les logiciens travaillent précisément sur diverses formalisations logiques et discutent pour savoir laquelle est la plus rigoureuse, la plus économe en critères utilisés, la plus à même de résoudre des erreurs de raisonnement.

 

Par exemple ? 

On commet souvent la faute logique, ou le sophisme, qui consiste à dire que, quand deux phénomènes s’enchaînent dans le temps, le premier est la cause du second – qui en est donc la conséquence. Or la succession n’est pas la causalité ! Il est donc utile de se demander si la succession temporelle est première par rapport à la causalité, ou si cette dernière n’est que la projection d’une succession temporelle. La logique a pour mission de déceler et de détruire les sophismes : ici, il s’agit d’un sophisme post hoc propter hoc [« puisque c’est avant, c’est la cause »]. La destruction consiste tout simplement à formaliser le sophisme : puisque la cause est avant l’effet, on peut croire à tort que tout ce qui précède ce qui est défini (peut-être à tort) comme un effet est une cause, ce qui est faux. 

 

Mais quand on critique la logique binaire, qui n’admet que deux termes, au profit d’une logique qui admet des nuances et des degrés, ne passe-t-on pas brusquement d’un mode de pensée à un autre ? 

On peut voir les mêmes choses de plusieurs manières. Si l’on adopte une logique bivalente, on ne reconnaît que deux valeurs, comme le vrai et le faux. Si je dis : « La neige est blanche », j’ai raison si elle est blanche, et j’ai tort si elle ne l’est pas. Mais il existe également une logique polyvalente, dans laquelle on admet des nuances de neige plus ou moins blanches, plus ou moins sales. On peut se dire que la deuxième logique est plus complète, plus précise, plus diverse. Mais on risque aussi de tomber dans le particularisme et de se rendre incapable de formuler des énoncés généraux ou universels. Je ne suis pas sûr que le passage d’une logique bivalente (vrai-faux) à une logique trivalente (vrai-faux-indéterminé) soit un véritable changement. Il y a des bonds beaucoup plus radicaux.

 

Justement, lorsque vous utilisez, par exemple dans La Force du vide, un outil logique, comme le tétralemme, venant d’Inde et du Tibet, ne rencontrez-vous pas tout de même une certaine difficulté à mêler des systèmes de pensée hétérogènes ? 

Nous sommes habitués au principe de non-contradiction : deux jugements contradictoires ne peuvent être vrais à la fois. Socrate ne peut être à la fois vivant et mort. Or, dans la pensée bouddhiste – qui a produit des traités extrêmement rigoureux –, on propose l’idée d’une sorte de « ni… ni… », où ce qui paraît contradictoire est rendu possible. Cela mène à ce type de schéma logique qu’on appelle le tétralemme [lire ci-dessous] et qui guide la pensée du philosophe indien Nāgārjuna [IIe-IIIe siècle] dans son fameux Traité du milieu. Si l’on suit ce schéma, on peut d’abord procéder à l’affirmation d’une chose, puis à sa négation, ensuite à l’affirmation d’une chose et de son contraire, enfin à la négation d’une chose et de son contraire. 

 

Tétralemme
Issue de la pensée bouddhiste, mais présente également dans la philosophie antique occidentale – notamment chez les disciples sceptiques de Pyrrhon –, cette figure logique composée de quatre (tetra en grec) propositions vise à se libérer du principe de contradiction et à affirmer la possibilité d’énoncés contradictoires, par exemple :
« Le monde est fini.
Le monde est infini.
Le monde est fini et infini.
Le monde n’est ni fini ni infini. »

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