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Terrasse de café à Paris, le 29 septembre 2020. © Bruno Levesque/IP3/Maxppp

Covidosophie

Fermeture des bars : elle est où l’aventure ?

Laurence Devillairs, propos recueillis par Octave Larmagnac-Matheron publié le 06 octobre 2020 3 min

Pour faire face à la hausse inquiétante des cas de Covid-19, Paris et les trois départements de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne) ont été placés en « zone d’alerte maximum ». Conséquence immédiate : de nouvelles mesures de restriction, détaillées lundi par le préfet de police Didier Lallement, entrent en vigueur dès aujourd’hui. Les bars, notamment, devront fermer leurs portes pour au moins quatorze jours. Avec eux, c’est toute la ville qui se replie sur elle-même. Comme l’écrit Levinas, « une ville inconnue où nous arrivons et qui est sans cafés nous semble fermée » (Judaïsme et Révolution, 1977). 

Cette décision interpelle la philosophe Laurence Devillairs : « La fermeture des bars, l’un des rares lieux de contact que permettait encore la société du sans-contact, va restreindre l’aventure aux limites du salon et du cercle bien rôdé des proches. Mais l’homme ne vit pas que du proche ; il a soif de lointain. » Exit l’inconnu, l’imprévu, la rencontre qui viennent « bousculer ce que nos vies ont de figé ». Où trouverons-nous de quoi satisfaire notre besoin viscéral d’aventure ?

La tribune de Laurence Devillairs

Elle a fini par résonner comme un air trop connu cette affirmation de Pascal : « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre » (Pensées, fr. 168). Pourtant, dans la période de post-confinement ou de semi-confinement que nous vivons, ce n’est pas au repos que nous aspirons mais à l’évasion. 

Ailleurs ! Que l’horizon s’ouvre, que les portes et les frontières ne se referment pas. Le monde interdit, la circulation limitée, le mouvement entravé donnent des envies d’aventure : tout sauf l’archi-prévisible du chez-soi, le petit univers sans surprise de l’entre-soi. On découvre que fuir, se fuir, est un besoin vital. Une liberté aussi. À côté des libertés individuelles fondamentales – liberté de penser, de s’exprimer, de voter, de manifester –, il faudrait donc ajouter celle de s’évader. 

Ce à quoi nous condamne en effet cette période de « bulles sociales » et de repli, c’est au réel : à ce qui est, au circuit des habitudes et des routines. La fermeture des bars, l’un des rares lieux de contact que permettait encore la société du sans-contact, va restreindre l’aventure aux limites du salon et du cercle bien rôdé des proches. Mais l’homme ne vit pas que du proche ; il a soif de lointain. Et c’est moins à Pascal qu’à un pascalien, Charles Baudelaire en l’occurrence, que l’on pense : « Il me semble que je serais toujours bien là où je ne suis pas, et cette question de déménagement en est une que je discute sans cesse avec mon âme […]. N’importe où ! n’importe où ! pourvu que ce soit hors de ce monde ! » (Any Where Out of the World). 

Le réel nous désole, le monde ne suffit pas. Ce qui est sûr et certain, cette réalité bien connue que nous arpentons, nourrit en nous le désir contraire de l’incertain. L’aventure, même modeste, est une puissante consolation ; elle est l’espoir d’un brin d’inattendu dans la fatalité des faits. La réalité est nettement plus supportable quand on peut s’en absenter pour un temps. Si l’on peut, pour quelques semaines, quelques heures, seulement, s’inventer une autre vie, être quelqu’un de différent. 

L’important n’est pas tant d’aller quelque part, que de sortir, d’échapper à ce qui est, à ce que nos existences ont d’imposé, de répétitif, à ce que nous avons nous-mêmes de définitif. « Aussi l’évasion est-elle le besoin de sortir de soi-même, c’est-à-dire de briser l’enchaînement le plus radical, le plus irrémissible, le fait que loi est soi-même » (Emmanuel Levinas, De l’évasion, 1935). 

Les terrasses des bars sont ainsi comme des scènes, où nous pouvons nous réinventer – le temps d’une soirée. L’aventure, c’est le mouvement, même minime, qui vient bousculer ce que nos vies ont de figé, ce que la réalité a de trop sérieux, de trop brutal. « Par là le besoin de l’évasion – plein d’espoirs chimériques ou non, peu importe – nous conduit au cœur de la philosophie » (De l’évasion). Car si la philosophie doit nous consoler, c’est bien de cette fatalité qu’il y a à n’être que soi, et à n’avoir que cette vie-là. 

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