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Illustration : © Jules Julien pour PM ; photo-droits d’inspiration : © Hannah Assouline/Opale via Leemage ; Bridgeman Images/Leemage.

Le classique subjectif

Laurence Devillairs : “La Rochefoucauld nous débarrasse de l’impératif moderne d’être soi”

Laurence Devillairs, propos recueillis par Victorine de Oliveira publié le 22 septembre 2020 11 min

Un inconnu célèbre : voici La Rochefoucauld, un oublié de l’histoire de la philosophie du XVIIe siècle, et pourtant sérieux rival de Descartes. Pour Laurence Devillairs, le moraliste, seul contre tous, pourfend les illusions et les démesures de l’ego. Rien ne résiste à sa plume, et sa lecture permet de devenir plus lucide mais aussi plus léger.

« Si l’on envisage le XVIIe siècle comme un système solaire, on pourrait donner le rôle du soleil à Descartes et celui de l’astre noir, qui effraie tout autant qu’il fascine, à La Rochefoucauld. Quand on a longtemps travaillé la philosophie de Descartes comme moi, la lecture de La Rochefoucauld commence par donner des sueurs froides : il détruit en effet consciencieusement tout ce qu’a bâti son aîné. Du cogito, “je pense, donc je suis”, du moi comme substance qui demeure la même à travers tous ses actes de pensée, il ne reste qu’un champ de ruines. C’est une lecture douloureuse. Il y a quelque chose d’éprouvant à perdre ses certitudes, et jusqu’à l’idée même de certitude, mais c’est aussi salutaire. La rupture qu’opère La Rochefoucauld est d’abord formelle. Certes, Descartes est un auteur sobre : ni Le Discours de la méthode, ni les Méditations métaphysiques ne souffrent de longueurs. Mais il est très narratif, c’est l’homme de la continuité, de la clarté et de la fluidité. Les méditations sont cumulatives : ce que le lecteur a acquis dans la première, il le conserve dans la deuxième, puis la troisième, etc. Descartes additionne quand La Rochefoucauld, au contraire, soustrait.

 

François de La Rochefoucauld, les dates clés
1613 Il naît à Paris sous le titre de prince de Marcillac. Il devient duc de La Rochefoucauld à la mort de son père.
1629 Âgé de 16 ans, il effectue sa première campagne militaire en Italie.
1637 Il est embastillé une semaine après avoir participé à un projet d’enlèvement de la reine et d’opposition à Richelieu, puis est contraint à s’exiler sur sa terre.
1648 Il rejoint la Fronde. Il voit son château rasé, ses privilèges révoqués, et doit s’exiler au Luxembourg.
1665 Il publie une première version des Maximes.
1680 Il meurt à Paris.

 

Les Maximes sont un travail de longue haleine qu’il ne cesse de reprendre afin de s’acheminer vers une forme d’épure. S’il finit par retirer, en tête du recueil, la maxime consacrée à une critique de l’amour-propre, qui constitue pourtant le cœur de sa pensée, c’est qu’elle est trop explicite, trop longue, trop évidente. Elle tient en deux pages et commence par une définition qui ôte toute ambiguïté : “L’amour-propre est l’amour de soi-même, et de toutes choses pour soi ; il rend les hommes idolâtres d’eux-mêmes, et les rendrait les tyrans des autres si la fortune leur en donnait les moyens.” Plus il travaille ses maximes, plus il bannit l’explication, l’explicite, le démonstratif, pour aller vers davantage de condensé et d’implicite. Alors que chez Descartes, au fur et à mesure qu’on avance, on gagne en stabilité, avec la Rochefoucauld, tout s’effrite, on se sent de plus en plus déstabilisé. Arrive un moment où l’on perd pied. Pascal parle du fondement qui craque et de l’abîme qui s’ouvre sous nos pieds : La Rochefoucauld provoque exactement la même sensation. En retirant explications, transitions et conjonctions, en refusant affirmations et certitudes, il ne reste plus rien – à part le vertige du vide.

 

“La Rochefoucauld s’intéresse au moi, pour mieux en extirper la vanité et le ridicule”
Laurence Devillairs

 

La Rochefoucauld place sa philosophie sous une double exigence, virulente et décapante. D’abord, celle de la singularité – ce que j’appelle le nominalisme de La Rochefoucauld. “Il est plus aisé de connaître l’homme en général que de connaître l’homme en particulier”, affirme-t-il, sous-entendant que la connaissance de “l’homme en général” n’est en réalité d’aucune utilité. Si l’on fait de la philosophie, ce doit être celle du singulier, qui est bien plus difficile que celle du général. La philosophie de Descartes serait ainsi une philosophie du général ne parvenant pas à saisir l’homme en particulier. Ce n’est pas un hasard si le premier texte publié par La Rochefoucauld est un autoportrait, où il se décrit d’abord physiquement, avec force détails : sa “taille médiocre”, son “teint brun”, ses “yeux noirs, petits et enfoncés”. Le sujet cartésien, lui, n’a pas de visage – on ne sait pas à quoi ressemble le cogito –, c’est l’homme en général. La Rochefoucauld, lui, s’intéresse au moi, pour mieux en extirper la vanité et le ridicule.

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Article issu du dossier "François de La Rochefoucauld vu par Laurence Devillairs" septembre 2020 Voir le dossier
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