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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Pierre Manent et Laurence Devillairs. © Fréderic Manzini

Débat exceptionnel

Blaise Pascal, philosophe ou religieux ? Laurence Devillairs face à Pierre Manent

Laurence Devillairs, Pierre Manent, propos recueillis par Frédéric Manzini publié le 15 février 2023 15 min

Quatre cents ans après sa naissance en 1623, Blaise Pascal n’en finit pas de fasciner. Et de diviser. Pour Pierre Manent, qui a récemment fait paraître Pascal et la proposition chrétienne (Grasset, 2022), il est d’abord celui qui propose aux Modernes de rester fidèle au christianisme. Mais pour Laurence Devillairs, autrice de Philosophie de Pascal. Le principe d’inquiétude (PUF, 2022), il est un philosophe à part entière, qui se moque de cette discipline de la raison pour mieux la renouveler. Voici leurs éclairages et leurs divergences.


 

Quatre siècles après sa naissance, Pascal est-il encore notre contemporain ? Et pourquoi faut-il le lire aujourd’hui ?

Laurence Devillairs : Pascal est à la fois moderne et inactuel. Pourquoi inactuel ? D’abord parce qu’il se méfie de tout ce qui nous absorbe et que nous avons sous les yeux. Il est moderne, parce qu’il décrit l’homme « abandonné à lui-même », « égaré ». Cette situation d’un homme sans autre ressource que lui-même est celle de la modernité. Nous ne pouvons plus inscrire notre existence dans un ordre : providence des stoïciens ou des chrétiens, progrès, histoire… Nous sommes, nous Modernes, abandonnés à nous-mêmes, dans un univers devenu muet. S’il faut lire Pascal, c’est parce qu’il nous parle de nous, tout simplement. Et de manière très concrète : il ne parle pas de l’homme, mais de tel homme – soldat, savant, roi, amoureux… –, il ne discourt pas sur l’être mais sur telle situation – je veux qu’on m’aime, je pars en mer… – et il ne traite pas de l’essence de l’homme mais de la condition humaine. Tout se passe ici et maintenant, dans une forme d’urgence.

Pierre Manent : Les grands auteurs ou les classiques ont la vertu d’être à la fois toujours actuels et toujours inactuels… En les lisant, on « consulte quelque chose d’éternel », selon le mot de Valéry. Je ne dirais pas que Pascal est particulièrement pertinent aujourd’hui comme je pourrais le dire pour un auteur politique dont les analyses de la société moderne deviendraient ou redeviendraient actuelles – ainsi Tocqueville, oublié pendant plus d’un siècle, puis redécouvert. Ce n’est pas la même chose pour Pascal : sa pertinence est autre. Elle vient de ce qu’il interroge notre rapport à la condition humaine.

 

C’est-à-dire ?

Pierre Manent : Permettez-moi d’être ici très sommaire. Nous Modernes, nous concevons l’homme comme l’être qui a des droits, et d’abord le droit d’avoir des droits, et qui donc fait valoir ses droits. Cette conscience de soi succède à deux perspectives qui ont longtemps prédominé et qui sont tout à fait différentes. Celle des Anciens, des païens, qui définissent l’homme comme l’animal rationnel et politique. Pour Aristote, celui qui n’a pas de Cité est une bête ou un dieu, alors que pour nous, celui qui n’a pas de Cité est un être qui a des droits. Voilà une opposition majeure ! L’autre perspective, c’est la perspective chrétienne : aux yeux des chrétiens, et Pascal insiste fortement sur ce point, l’homme naît sous la loi, mais c’est une loi à laquelle il ne peut pas obéir par ses propres forces et doit recourir à l’aide de Dieu. Pour nous Modernes, en revanche, les hommes naissent sans loi, « libres et égaux ». La loi est quelque chose qu’ils fabriquent. Tel est le contraste entre la proposition moderne et ce que j’appelle la « proposition chrétienne ».

“Les Pensées ne sont pas un catéchisme. Si elles étaient ce que l’on s’obstine à en faire, les arguments d’un dévot, on ne les lirait tout simplement plus”
Laurence Devillairs

 

Alors que vous, Laurence Devillairs, insistez sur sa proposition philosophique…

Laurence Devillairs : En raison sans doute d’une mauvaise compréhension de ce que sont la laïcité et la religion, on a considéré que, Pascal étant chrétien, il ne pouvait pas y avoir de philosophie chez lui, ou alors de manière subsidiaire et auxiliaire. Celui qui lirait les Pensées ne pourrait en recueillir la vérité qu’à la condition d’être catholique. Or le texte dément cela : si les Pensées sont, certes, éclairées par le catholicisme, elles présentent néanmoins une conceptualité, une « étude de l’homme », originales. Ce qui n’exclut pas la dimension apologétique, à condition de bien la situer : à quel moment le catholicisme doit-il intervenir pour éclairer les Pensées sans les conditionner ? Les concepts pascaliens – divertissement, inquiétude, effroi – ne sont pas exclusivement forgés pour satisfaire des positions catholiques ; ils ont une signification par eux-mêmes. Les Pensées ne sont pas un catéchisme. Si elles étaient ce que l’on s’obstine à en faire, les arguments d’un dévot, on ne les lirait tout simplement plus.

“Aux yeux de Pascal, le philosophe ne peut garder le bon équilibre entre conscience de la grandeur humaine et conscience de la misère humaine”
Pierre Manent

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