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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Le physicien et philosophe Étienne Klein en 2022. © Manuel Braun pour PM.

Entretien

Étienne Klein : “La mort est une pensée dopante”

Étienne Klein, propos recueillis par Alexandre Lacroix publié le 07 juillet 2022 17 min

Ses livres, conférences, vidéos et émissions de radio font d’Étienne Klein l’un des plus grands passeurs actuels des mystères de la physique. Cet hyperactif et grand sportif a pris le temps de revenir sur son parcours philosophique atypique et de nous éclairer sur la nature de la matière et du temps.

 

Compagnon de route de Philosophie magazine depuis sa création, Étienne Klein ne s’était curieusement jamais prêté au jeu du grand entretien. C’est chose faite ! Il nous a accueillis dans son appartement parisien, organisé autour d’une pièce au rez-de-chaussée où passe la lumière, de tous côtés, par des baies vitrées. Sur les murs, des posters des Rolling Stones mais aussi des tableaux cubistes, naïfs et colorés, dans la veine du Picasso des portraits de Dora Maar ou de Marie-Thérèse. Ils sont signés « EK ». « C’est de vous ? » Il répond par l’affirmative avant de changer aussitôt de sujet. Ces toiles, peintes pour son seul plaisir semble-t-il, font pourtant sens. De même que la physique quantique, dans l’entre-deux-guerres, a fait voler en éclats la mécanique classique héritée de Newton, le cubisme, à la même époque, avec sa manière de représenter sur un même plan toutes les faces d’un objet, a brisé l’ordre rassurant de la perspective. De toute évidence, cette double révolution continue de fasciner et d’inspirer Étienne Klein.

C’est dans cet appartement qu’il a passé le confinement – lui, l’hyperactif, s’est surpris à prendre plaisir à ce calme et à cette sédentarité forcées. « J’ai appris à cuisiner le poisson », se souvient-il. Surtout, c’est à la faveur du premier confinement qu’il a écrit un livre enlevé, Le Goût du vrai, qui ironisait sur la passion française pour l’hydroxychloroquine et qui avançait des critères pour départager les usages déréglés ou au contraire rationnels du doute – un pamphlet au cours duquel on ressent une jubilation intellectuelle et qui a remporté un vaste succès public.

Mais pourquoi ses conférences, ses vidéos sur YouTube, son émission Science en questions sur France Culture font-elles un tabac, alors que nous avons pour la plupart des souvenirs plutôt moroses de nos cours de physique ? « Pour enseigner, explique Étienne Klein, j’utilise le ressort du paradoxe. Les paradoxes provoquent l’étonnement. Ils forcent à réfléchir. Et la physique est un réservoir infini de paradoxes, ses résultats nous conduisent à nous méfier de la spontanéité de nos jugements. Je trouve ça excitant. » Voilà qui nous ramène à l’« érotisme des problèmes », pour reprendre une formule d’Albert Einstein directement inspirée par le discours de Socrate dans le Banquet de Platon : le rapport le plus vibrant que nous pouvons entretenir avec la connaissance est celui du désir. Qui n’a pas envie de percer à jour la véritable nature de la matière ou du temps ?


Étienne Klein en 7 dates
1958 Naissance à Paris
1981 Diplôme d’ingénieur de l’École centrale de Paris et DEA de physique théorique
1984 à nos jours Physicien au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)
1984 à nos jours Enseignant de physique quantique, puis de philosophie des sciences à CentraleSupélec
1991-1993 Détaché au Cern pour travailler à la conception du LHC (Large Hadron Collider, « grand collisionneur d’hadrons ») dans le groupe « Théorie des accélérateurs »
1999 Doctorat en philosophie des sciences
2007 Habilitation à diriger des recherches en philosophie des sciences et création du Laboratoire de recherches sur les sciences de la matière (Larsim) au sein du CEA


Même lorsqu’on a lu vos ouvrages, on vous connaît assez peu. Comment est née votre vocation de physicien ?

Étienne Klein : Il est vrai que je parle peu de moi dans mes premiers livres. La première fois que j’ai écrit « je », c’était en 2003, dans la dernière page des Tactiques de Chronos, où je traitais du rapport entre temps et mort. Quelques années auparavant, j’avais eu une tumeur à la gorge que les médecins avaient jugée bien plus grave qu’elle ne l’était. J’ai alors vécu pendant trois mois avec la conviction que je n’aurais pas la chance d’aller très loin en âge ! En réalité, la tumeur était bénigne. J’ai subi une opération chirurgicale, je n’ai pas perdu la vie, seulement la voix, que j’ai recouvrée à la suite d’une lente rééducation…

 

Vous ne le racontez pas dans les Tactiques de Chronos !

Non, ce n’est pas trop mon genre, mais je m’inclus tout de même dans mon propos par cet usage final de la première personne. Par ailleurs, cette confrontation à un pronostic plutôt sombre ne m’a pas rendu moins « speed » qu’auparavant. Au contraire ! Mais je me suis rendu compte que mon hyperactivité était devenue quelque peu morbide. Sans doute étais-je devenu heideggérien à mon insu, trop tourmenté par la finitude de mon petit Dasein… C’est Emmanuel Levinas, avec son beau texte sur La Mort et le Temps [1992], qui m’a tiré de cet enfermement.

 

Grâce à Levinas, vous êtes moins hyperactif ?

Nullement, mais en me ramenant à un activisme davantage lié à l’élan vital, Levinas m’a délivré de la triste idée que la mort est à mes trousses et déjà en train de corroder mon existence. Elle aura lieu, c’est certain. En attendant, elle n’est pas là.

 

Pour revenir à votre vocation de physicien, comment s’est-elle éveillée ?

Adolescent, j’avais deux posters d’Einstein dans ma chambre. C’est un premier indice. Et dès le lycée, j’ai compris que les lois de la physique, même les plus classiques d’entre elles, sont en réalité surprenantes, au sens où elles contredisent l’expérience commune. Je me souviens encore du jour où, en classe de seconde, notre professeure nous a enseigné le principe d’inertie de Galilée : « Un corps qui n’est soumis à aucune force suit un mouvement rectiligne et uniforme. » Pour moi qui me rendais au lycée à vélo, qui savais donc quel effort il faut fournir pour avancer, l’idée qu’un corps n’ait besoin d’aucune force pour se mouvoir me paraissait contre-intuitive, choquante. Je suis allé voir cette dame à la fin du cours pour lui faire part de ma perplexité, mais elle a vite tranché : « Klein, vous manquez de sens physique ! » Ce n’était guère encourageant, mais cet électrochoc m’a plu. Il m’a ouvert un monde en me sortant de mon… inertie ! En effet, depuis Galilée, pratiquer la physique, c’est, pour parler comme Alexandre Koyré, « faire le pari qu’on peut expliquer le réel par l’impossible », c’est-à-dire grâce à des lois qui semblent contredire ce que l’observation directe des phénomènes nous pousse à croire. Quand j’ai compris que, si mon vélo finit par s’immobiliser quand je cesse de pédaler, c’est parce que des forces, en l’occurrence de frottement, s’exercent sur lui tant qu’il roule, je me suis senti intellectuellement « déplacé », comme propulsé dans un ailleurs fascinant. Avec la physique quantique, c’est pire, je veux dire mieux : on assiste à la faillite complète des concepts familiers. On fait des calculs dans des espaces abstraits, dits « de Hilbert », et, de là-bas, on parvient à émettre des prédictions qui se révèlent parfaitement vérifiées par les mesures faites dans l’espace physique ordinaire. Il y a là quelque chose de merveilleux.

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Article issu du magazine n°161 juillet 2022 Lire en ligne
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