Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Le président russe Vladimir Poutine lors de la conférence de presse tenue à l’issue de sa rencontre avec son homologue français Emmanuel Macron, lundi 7 février 2022, au Kremlin à Moscou. © Sergey Guneev/Sputnik/AFP

Crise en Ukraine

Benoît Pelopidas : “La doctrine de la dissuasion nucléaire exige aussi que la possibilité de la guerre nucléaire reste ouverte”

Benoît Pelopidas, propos recueillis par Martin Legros publié le 09 février 2022 12 min

« Vous n’aurez même pas le temps de cligner des yeux ! » La menace formulée par Vladimir Poutine d’une attaque militaire et même nucléaire sur l’Europe au cas où celle-ci soutiendrait l’Ukraine dans un conflit armé avec la Russie, relance la question du sens de la dissuasion nucléaire. Benoît Pelopidas, qui vient de publier Repenser les choix nucléaires (éd. Sciences-Po-Les Presses), propose ici une réflexion éthique et philosophique sur les fondements de cette stratégie et sur la place, totalement sous-estimée selon lui, de la « chance » dans l’évitement de l’usage de la bombe atomique depuis Hiroshima.

 

Interrogé sur le conflit en Ukraine, Vladimir Poutine a déclaré, « Si l’Ukraine devient membre de l’Otan et récupère le Donbass par la force militaire, les pays européens vont être entraînés automatiquement dans le conflit avec la Russie. Bien sûr, les potentiels de l’organisation conjointe de l’Otan et de la Russie ne sont pas comparables… Il n’y aura pas de vainqueurs, et vous vous retrouverez entraînés dans ce conflit contre votre volonté. Vous n’aurez même pas le temps de cligner des yeux ». Cette menace n’est-elle pas ahurissante et totalement disproportionnée ? Et doit-on la prendre au sérieux ?

Benoît Pelopidas : Je voudrais vous répondre en trois temps. D’abord, l’idée que les Européens n’aient pas le temps de réagir renvoie à l’accélération issue du couplage d’explosifs thermonucléaires à des missiles balistiques intercontinentaux qui a eu lieu au début des années 1960. Pour vous donner un ordre de grandeur, ceux-ci se déplacent environ vingt fois plus vite que la génération précédente de vecteurs, les bombardiers. Cette vitesse et le temps qui sépare le lancement de l’impact et des dommages instantanés considérables diminuent considérablement la capacité de décision des dirigeants et la possibilité de la désescalade une fois les hostilités commencées. Cette accélération – qui se poursuit avec le développement de missiles hypersoniques par les États-Unis, la Russie et la Chine – est aussi une source première de notre vulnérabilité matérielle dans la mesure où elle rend quasi impossible l’interception de ces missiles. Un élément de contexte plus récent qui rend la possible escalade de cette crise inquiétante tient à l’effacement de la distinction claire entre nucléaire et non nucléaire sur le sol européen avec la fin du Traité sur les forces nucléaires intermédiaires en 2019. Ce traité signé en 1987 a permis pendant plus de trente ans d’avoir confiance dans le fait que tout missile à portée intermédiaire basé à terre sur le territoire européen n’était pas porteur d’une charge nucléaire. Nous ne pouvons plus en être sûrs. Cela perturbe considérablement la gestion de crise.

Ensuite, si la situation est particulièrement tendue du fait des troupes massées à la frontière, en termes de rhétorique nucléaire, Vladimir Poutine ne dit rien de particulièrement exceptionnel s’il parle de la Crimée [annexée par la Russie] et pas du Donbass [où la guerre entre milices prorusses et armée ukrainienne est gelée par un cessez-le-feu] comme le suggère un collègue russophone. Il affirme qu’au cas où l’Ukraine deviendrait membre de l’Otan et reprendrait un territoire que la Russie considère comme sien, elle s’exposerait à une escalade nucléaire. Cela manifeste deux stratégies : un État doté d’armes nucléaires menace d’employer ces armes pour dissuader l’ennemi potentiel d’envahir son territoire national, et menace de représailles nucléaires en cas de conflit pour compenser une infériorité en termes d’armements conventionnels. Comme vous le savez, la première de ces stratégies était la stratégie de l’Otan face à ce qui était perçu comme une menace soviétique d’invasion de l’Europe occidentale. Jusqu’à aujourd’hui, ce désir d’élever la menace de représailles nucléaires comme moyen de dissuader d’une invasion de territoire est l’une des justifications pour lesquelles l’Otan et ses États membres dotés d’armes nucléaires n’ont pas adopté de doctrine de non-emploi en premier de leurs arsenaux nucléaires.

“En usant de la menace de représailles nucléaires, Vladimir Poutine reconnaît explicitement l’infériorité conventionnelle de la Russie face à l’Otan”
Benoît Pelopidas

 

La seconde stratégie est l’usage de la menace de représailles nucléaires pour dissuader un adversaire doté de capacités conventionnelles très supérieures. Cela a été l’un des objectifs de la force de frappe française. Monsieur Poutine reconnaît explicitement l’infériorité conventionnelle de la Russie face à l’Otan : « Bien sûr, le potentiel de l’Otan réunie et la Russie ne sont pas comparables, mais nous comprenons que la Russie est une puissance nucléaire. » En effet, si l’on regarde les données de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm [Sipri] en termes de dépenses militaires depuis la fin de la guerre froide et que l’on compare celles de la Russie à celles de deux membres européens de l’Otan ici impliqués, l’Allemagne et la France, en oubliant les vingt-huit autres membres de l’alliance transatlantique, les dépenses russes sont inférieures de 1 300 milliards de dollars. Même si la Russie possède une armée de conscription et que les soldats russes ont des salaires plus bas, cette différence manifeste son infériorité conventionnelle. Encore une fois, cela laisse de côté les vingt-huit autres membres de l’Otan, dont les États-Unis.

Expresso : les parcours interactifs
Pourquoi lui, pourquoi elle ?
Comment expliquer nos choix amoureux ? Faut-il se fier au proverbe « qui se ressemble, s'assemble », ou doit-on estimer à l'inverse que « les opposés s'attirent » ? La sociologie de Bourdieu et la philosophie de Jankélévitch nous éclairent.
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
13 min
Benoît Pelopidas : “Envisageons que ce qui nous approche de la victoire ukrainienne augmente le risque nucléaire”
Martin Legros 04 octobre 2022

Alors que la menace d’une escalade nucléaire dans la guerre en Ukraine n’a jamais été aussi élevée, nous avons demandé à Benoît Pelopidas,…

Benoît Pelopidas : “Envisageons que ce qui nous approche de la victoire ukrainienne augmente le risque nucléaire”

Article
3 min
Benoît Pelopidas : “Il est possible qu’une victoire ukrainienne accroisse le risque nucléaire”
Martin Legros 27 octobre 2022

Alors que la menace d’une escalade atomique en Ukraine n’a jamais été aussi élevée, Benoît Pelopidas, spécialiste de stratégie nucléaire, rappelle…

Benoît Pelopidas : “Envisageons que ce qui nous approche de la victoire ukrainienne augmente le risque nucléaire”

Article
9 min
Arme nucléaire : “Vis-à-vis de la Russie, nous sommes dans un rapport du faible au fort”
Ariane Nicolas 04 mars 2022

Pour la première fois depuis des décennies, l’Europe est menacée par une puissance nucléaire. Une menace proférée par Vladimir Poutine, à…

Arme nucléaire : “Vis-à-vis de la Russie, nous sommes dans un rapport du faible au fort”

Article
3 min
Peut-on sauver la Russie d’elle-même ? L'analyse engagée d’André Markowicz
Jean-Marie Durand 23 juin 2022

 « Il faudra bien que la Russie se retrouve face à elle-même. » En préfigurant la possibilité qu’un jour, la guerre en Ukraine dans…

Peut-on sauver la Russie d’elle-même ? L'analyse engagée d’André Markowicz

Article
7 min
L’énergie nucléaire vue par les philosophes
Octave Larmagnac-Matheron 07 mars 2022

Si la question de la bombe atomique a fait l’objet de nombreuses interprétations philosophiques célèbres, celle – beaucoup plus large –…

L’énergie nucléaire vue par les philosophes

Article
4 min
Comment dit-on “doctrine Monroe” en russe ?
Jean-Marie Pottier 11 février 2022

Pour évoquer la crise qui oppose les États-membres de l’Otan et la Russie autour du sort de l’Ukraine, les médias américains évoquent souvent la «…

Comment dit-on “doctrine Monroe” en russe ?

Article
3 min
Menaces de la Russie sur l’Ukraine : vers une "attaque préventive" ?
Michel Eltchaninoff 10 janvier 2022

En affirmant qu’une adhésion de l’Ukraine à l’Otan menacerait la Russie, Vladimir Poutine se range sous la bannière de Thomas Hobbes, qui justifie…

Menaces de la Russie sur l’Ukraine : vers une "attaque préventive" ?

Article
3 min
La pastille d’iode, un micro-objet aux maxi-pouvoirs ?
Joséphine Robert 09 mars 2022

L’invasion russe en Ukraine a ravivé la peur d’une guerre nucléaire ou de la propagation d’un nuage radioactif au-dessus de l’Europe. Depuis que…

La pastille d’iode, un micro-objet aux maxi-pouvoirs ?

À Lire aussi
Sommes-nous des cobelligérants de la guerre en Ukraine ?
Sommes-nous des cobelligérants de la guerre en Ukraine ?
Par Nicolas Gastineau
mai 2022
Vu de Moscou : “Les pro-guerre et les anti-guerre sont complètement désorientés”
Vu de Moscou : “Les pro-guerre et les anti-guerre sont complètement désorientés”
Par Michel Eltchaninoff
mars 2022
Jean-Pierre Dupuy : “L’apocalypse nucléaire est notre destin… contre lequel il faut lutter”
Jean-Pierre Dupuy : “L’apocalypse nucléaire est notre destin… contre lequel il faut lutter”
Par Octave Larmagnac-Matheron
mars 2022
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. Benoît Pelopidas : “La doctrine de la dissuasion nucléaire exige aussi que la possibilité de la guerre nucléaire reste ouverte”
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse