Éric Treille : “Aujourd’hui, les primaires sont perçues comme des machines à perdre”

La primaire verte a attiré plus de 120 000 votants au premier tour. Est-ce le signe, selon vous, que ce mode de scrutin a plu ?

Éric Treille : Europe Écologie-Les Verts [EELV] est l’un des premiers partis à s’être engagé dans la voie des primaires – d’abord en 2011, puis en 2016. Pour ce qui est de l’élection présidentielle, c’est la confirmation de l’engagement des forces vertes dans la voie d’une consultation militante, d’autant plus que EELV a reproduit le même canevas d’organisation (inscription et vote numérique), lié à son mode d’implantation et à son nombre relativement faible d’adhérents. Cette constance depuis une dizaine d’années est un signal fort, à un moment où d’autres partis interrogent leur propre mode de consultation et semblent tourner le dos à ce mode de sélection. 

Comment analysez-vous les résultats du premier tour ?

La primaire organisée par EELV est presque un cas d’école pour comprendre ce que sont ou peuvent être les primaires pour des partis politiques. D’un côté, les candidats sont là pour afficher leur présidentialité et leur compatibilité avec la représentation que les Français ont de la V^e République. C’est une logique de tri interne entre différents responsables politiques : la question est de montrer que l’on est à la fois désireux et capable d’aller à l’Élysée. D’un autre côté, les électeurs mettent en avant des raisons davantage identitaires, liées à la spécificité de l’organisation partisane. Certains choisiront plutôt de donner à la primaire une fonction de conforter une appartenance soit un à un parti politique en particulier, soit à une famille politique. Il en ressort que les deux candidats arrivés en tête ont souvent des profils très différents mais surtout des manières assez dissymétriques de faire vivre l’intégration d’un parti politique dans le jeu électoral. Cela rappelle un peu la primaire socialiste, en 2016, où Manuel Valls et Benoît Hamon s’étaient retrouvés opposés au second tour. Ou encore, la primaire américaine démocrate opposant Hillary Clinton et Bernie Sanders. Aujourd’hui, chez les Verts, cette partition se fait entre Yannick Jadot et Sandrine Rousseau.