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Droit dans les yeux

Michel Eltchaninoff publié le 04 octobre 2022 3 min

Parfois, Michel Eltchaninoff joue au duel de regards. Surtout avec des enfants. Surtout avec des garçons ! Mais il y a des adultes qui s’y adonnent aussi. Ils regardent fixement leur interlocuteur et refusent obstinément de baisser les yeux. Comme certains politiques…

 

« Si vous entrez dans la partie, ça peut durer des heures et créer un vrai malaise, qui va parfois jusqu’au ridicule. Les politiques, dont le terrain est le pouvoir, en sont les meilleurs spécialistes. Durant le débat présidentiel de l’entre-deux-tours, Emmanuel Macron a très longuement fixé, d’un air qu’il voulait d’aigle, sa concurrente, histoire de la déstabiliser et de montrer que la France entière constatait, avec lui, son incompétence. Quant à Jean-Luc Mélenchon, il a eu une remarque qui m’a frappé lors d’une discussion avec le philosophe Michaël Fœssel que j’avais animée. Il a dit que les gens qu’il rencontrait après un débat houleux le remerciaient d’avoir bien parlé. “De quoi, ils ne s’en souvenaient pas. Mais ils se souvenaient d’une chose : ‘Tu ne t’es pas laissé faire’. C’est ça le message essentiel, continuait Mélenchon : on ne se laisse pas faire, on ne baisse pas les yeux, c’est une vertu cardinale.” Représenter le camp des exploités, selon lui, c’est refuser de plier devant le regard des dominants. Ça m’a plu sur le moment, cette politique incarnée, ce refus de s’avouer vaincu. Posture viriliste ? Sans doute – et je ne vous parle même pas de l’agression quotidienne du regard masculin sur les femmes. Mais dans un article consacré à Sandrine Rousseau, je lis que la députée écologiste, dixit le journaliste, entend “changer les imaginaires sans barguigner sur les valeurs, ni tendre la joue ni baisser les yeux”. Une histoire d’éthique et de pouvoir, surtout.

Se regarder dans les yeux a quelque chose de dérangeant, et même d’effrayant. Certes, il y a les regards de la séduction, ceux de l’amour, ceux de la reconnaissance, de la sympathie, de la pitié. Mais imaginons que nous nous trouvions dans la même pièce, pour l’éternité, avec des inconnus : Sartre a raison, c’est pire que l’enfer, “tous ces regards qui me mangent” (Huis clos, 1944). Parce qu’ils nous transforment en objet, parce que qu’ils sont le début d’une lutte sans fin, à l’issue de laquelle l’un deviendra le maître, et l’autre l’esclave. Faites le test : regardez fixement la personne qui se tient devant vous. Elle entrera peut-être dans ce combat absurde. À moins qu’elle ne vous lance avec raison : “Pourquoi tu me regardes comme ça ?”

Heureusement, pour entrer en contact avec autrui, il n’y a pas que le regard, qu’il soit une lutte, comme chez Sartre, ou le début d’une aventure éthique, comme le pensait Levinas. Il y a la parole. Celle-ci peut faire mal également. Mais elle nous extirpe de ce face-à-face de regards. D’abord, elle pose entre nous quelque chose de commun, des significations partagées. Quelques mots surgissent pour nous faire sortir de la confrontation de nos identités, pour briser la joute à distance et faire émerger un territoire tiers. Ensuite, la parole est un rapport tout aussi sensoriel que l’affrontement des regards, mais en beaucoup plus doux. Le visuel fige et fixe, tandis que la parole circule entre une bouche et des oreilles, nous entoure et nous enveloppe. Corps invisible, elle s’évapore aussi vite qu’elle a été lancée. Elle appelle la suite, qui fera évoluer le sens initial.

Non, le duel de regards ne suffit jamais à créer un rapport entre les êtres. La grande scène du combat silencieux ne vaut rien sans le fluide serpentin de l’échange verbal. Je crois que je n’y jouerai plus. »

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