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Le Premier ministre nationaliste hongrois Viktor Orbán a revendiqué une “grande victoire” aux élections législatives de son pays, des résultats partiels donnant la tête à son parti, Fidesz, le 3 avril 2022. © Attila Kisbenedek/AFP

Généalogie d’une notion

“Démocratie illibérale” : un concept fécond ou fumeux ?

Nicolas Gastineau publié le 21 avril 2022 3 min

« Nous avons remporté […] une victoire si grande qu’on peut sans doute la voir depuis la lune, et en tout cas certainement depuis Bruxelles. » Dimanche 03 avril, le Premier ministre de Hongrie Viktor Orbán prononce ces mots de triomphe et de défi en direction de l’Union européenne, après sa très large victoire aux élections législatives – 53% contre 34% pour six partis d’opposition coalisés. Mais cette victoire n’est pas qu’une affaire hongroise : elle donne de la force à tout un modèle de gouvernance, qui inspire en Turquie ou en Pologne et dont Orbán s’est fait le bruyant champion : la démocratie illibérale. D’où vient cette notion, et que signifie-t-elle ?

 

  • En 1997, Fareed Zakaria, un jeune éditeur de la revue américaine Foreign Affairs qui vient alors de finir sa thèse sous la direction de Samuel Huntington, publie un article qui fit grand bruit : « The Rise of Illiberal Democracies » (« La montée des démocraties illibérales », consultable gratuitement et dans son intégralité ici). À une époque où l’ambiance était à la confiance optimiste dans le succès du modèle démocratique occidental, il alerte de la montée en puissance d’un nouveau type de régime – « une industrie en pleine croissance » ajoute-il –, mélange explosif de démocratie et d’entorses au droit, qu’il voit à l’époque dans la Russie de Boris Eltsine, le Pérou d’Alberto Fujimori ou l’Argentine de Carlos Menem. À chaque fois, dit Zakaria, ces dirigeants ont été élus et même copieusement réélus, leur pouvoir « réaffirmé par référendum » et pourtant, « ils ignorent quotidiennement les limites constitutionnelles de leur pouvoir et privent les citoyens des droits et libertés fondamentales ». La notion de démocratie illibérale fait florès dans la science politique et le débat public, jusqu’à être revendiqué par Viktor Orbán lui-même, dans un discours de 2014.
  • Pour concevoir ce qu’est une démocratie illibérale, il faut décomposer les deux termes du sujet. Nos modèles démocratiques occidentaux, dit Zakaria, sont construits sur un double attelage : la démocratie, qu’il définit de la manière la plus minimale possible comme un « processus de sélection des gouvernements » par l’élection libre et équitable, et le « libéralisme constitutionnel », une tradition « ancrée dans l’histoire occidentale qui aspire à protéger l’autonomie et la dignité de chaque individu contre la contrainte, qu’elle émane d’un État, d’une Église ou de la société ». Cette tradition a un principe, la liberté individuelle, et une méthode pour la garantir, l’État de droit. Pour résumer la formule de ce tandem, le libéralisme constitutionnel fixe un cadre juridique qui organise et délimite le pouvoir démocratique. Or, ce que la démocratie illibérale essaie précisément de faire, c’est de rompre cet attelage : avoir la démocratie, c’est-à-dire le pouvoir par le vote, mais se débarrasser du libéralisme constitutionnel, de l’État de droit et ses pesanteurs, de ce cadre qui entraverait le dirigeant élu. « L’ennemi, c’est l’impossibilisme légal », martèle Jarosław Kaczyński, qui dirige le parti polonais Droit et Justice, au pouvoir depuis 2015.
  • Toute la question est donc de savoir si l’on peut avoir l’un… sans l’autre. La rhétorique des dirigeants illibéraux, c’est qu’en arrachant la démocratie de son carcan constitutionnel, on l’augmente, on lui permet de s’exprimer pleinement, en un mot : on la libère. Mais n’est-ce pas plutôt l’inverse ? Sans la garantie de droits fondamentaux, le pouvoir même d’élire des représentants se trouve bien affaibli : que vaut une élection dans un pays où la liberté d’information est mise en danger, où le droit de manifester n’est pas garanti, où les minorités ne peuvent faire entendre leur voix ? Surtout, le concept de démocratie illibérale tient parce que Fareed Zakaria réduit la démocratie à la procédure par laquelle on élit ses représentants. Mais la démocratie ne se résume pas au vote, c’est aussi l’expression libre de la société civile, la contestation dans la rue, l’engagement des associations et des ONG. Tout un tissu entrelacé d’actions citoyennes qui vont au-delà du vote et ont besoin du libéralisme politique comme garantie de leur déploiement. Sous cette perspective, l’expression « démocratie illibérale » ne serait alors plus une nouvelle trouvaille sémantique, mais une impossibilité logique. Autrement dit, il ne suffit pas d’être élu pour être un démocrate.
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