David Mimoun : “Explorer et écouter Mars, c’est mieux comprendre la Terre”

Quel est votre rôle au sein de la mission Perseverance ?

David Mimoun : Perseverance est le premier volet de deux missions visant à ramener des échantillons de Mars sur Terre. Leur but est de répondre à la question des débuts de la vie. Ici, l’interrogation est de la même essence que celle de Giordano Bruno : la vie sur Terre est-elle une exception ou bien un lieu commun ? Le raisonnement sous-jacent est le suivant : si, pendant des centaines de millions d’années, il y a eu de l’eau sur Mars et que la vie y a démarré, cela signifie qu’elle a pu le faire ailleurs. Et que, partout dans l’Univers, il suffit d’eau liquide et de temps pour que la chimie de la vie s’enclenche. Notre robot géologue a donc pour objectif de sélectionner les meilleurs échantillons de roches possible dans le cratère Jezero, dans une zone où il y a eu de l’eau présente pendant un temps assez long. On y a observé les alluvions d’un delta, les traces d’une rivière fossile en quelque sorte, avec des roches calcaires similaires à celles que vous verriez à Étretat. Or ce type de roches conserve généralement bien les traces de vie. Au cours de ses pérégrinations, Perseverance sélectionnera des échantillons en les laissant derrière lui pour qu’ils soient récupérés par une autre mission. C’est pour cela que le rover est équipé d’un instrument : la SuperCam. Construite en grande partie en France, elle utilise, entre autres, un laser permettant d’analyser les roches à distance. Au sein de cette équipe, nous sommes responsables du microphone intégré qui a pour objectif principal de déterminer des propriétés de dureté de la roche, le tout jusqu’à sept mètres de distance.

Que cherchez-vous à enregistrer ?

Nous voulons écouter les impacts du laser sur les roches, mais ce que l’on entend dès qu’on allume le micro, c’est l’atmosphère. Écouter le vent peut être quelque chose de poétique, mais l’information contenue dans ces enregistrements a une valeur scientifique pour comparer les phénomènes atmosphériques sur Terre et sur Mars. Un autre objectif pour nous est la planétologie comparée. Tout comme la médecine connaît mieux une maladie en soignant plusieurs patients, nous aimons comparer les planètes. Comprendre l’atmosphère de Mars permet de mieux comprendre les phénomènes atmosphériques terrestres. Explorer et écouter Mars, c’est mieux comprendre la Terre. Enfin, la dernière chose, profondément humaine, est la découverte des sons d’une autre planète. Les premiers sont arrivés et sont absolument fascinants ! Pour vous donner une idée, l’atmosphère de Mars est très peu dense et filtre les hautes fréquences. Le son y est étouffé, un peu sourd. La planète est baignée d’infra­sons, des fréquences basses, qu’on détecte très bien dans son atmosphère depuis la mission InSight en 2018. Ces sons ne sont pas audibles pour une oreille humaine.

J’imagine qu’entendre les premiers sons de Mars vous a ému…

Absolument ! Lorsqu’on ferme les yeux et qu’on entend les sons d’une autre planète, c’est une expérience incroyable. Rien qu’en l’écoutant, nous en savons plus sur le vent et sur les infrasons qui habitent la planète. Sur Mars, la vitesse moyenne du vent est de 20 km/h et peut monter jusqu’à 100 km/h. Cela correspond pourtant à l’impression que nous donnerait une légère brise, étant donné la différence de pression atmosphérique avec la Terre.