David Bowie. Métaphysique du miroir
Bowie, on le sait, aime à se démultiplier : il y a la fantaisie, l’esprit de cirque de son transformisme, il y a aussi, c’est un peu différent, son art consommé de la réflexion. Le thème de la réflexion et du double hante le rock, art peut-être plus confronté qu’aucun autre aux affres de la subjectivité et de l’incarnation. En 1976, David Bowie tourne au cinéma son premier rôle principal : il est le Thomas Jerome Newton de L’Homme qui venait d’ailleurs, filmé par Nicolas Roeg. Alien dissimulé sous les traits d’un humain qui cherche à récupérer sur Terre assez d’eau pour sauver sa propre planète, Bowie-Newton fait la rencontre de Mary-Lou qui l’initie au quotidien des hommes. La scène de la salle de bains, cadrée plus haut que dans ce photogramme, le montre troublé, invité par la fille à entrer dans la pièce, et vérifiant discrètement dans le miroir la bonne tenue des fausses pupilles qui dissimulent ses yeux d’extraterrestre. Le reflet qui dédouble cache un autre double, seulement visible à l’œil de celui qui se voit. Bowie aime jouer des miroirs. Ces derniers traversent comme un accessoire métaphysique toutes les périodes de sa création. Dans le livret de son récent best of, Nothing Has Changed, Everything Has Changed, c’est le leitmotiv qui structure, plus encore que son transformisme, toutes ces années écoulées depuis “Changes” (Hunky Dory, 1971). Miroir déformant, miroir de poche, reflet d’un rideau translucide, l’œil vairon de Bowie signale toujours dans le reflet une autre lecture. Mais revenons à ce photogramme : Bowie, les yeux détournés, la main pudiquement portée à la bouche mime un Pierrot innocent, confus de se trouver là, tandis que la fille fronce les sourcils. La scène évoque un Marivaux expressionniste, que Bowie pervertit à un second degré par le montage : dans le bain, l’eau a laissé place à la matière solide du sol, et, dans le miroir, Newton a gardé son expression inquiétante d’alien déguisé en humain, reflet frontal impossible, dissymétrique du personnage en pied qui brandit pourtant le miroir comme s’il orchestrait la mise en scène. Entre naïveté et manipulation, trait d’humour et connotations plus dérangeantes, le tout forme un parangon de la réflexivité bowienne. De Ziggy Stardust au Thin White Duke, la star, regardée de tous, en se regardant, éternellement se change. Ce trouble dans la dualité, cette réflexion qui rend le sujet suspect à lui-même, j’aime à l’entendre dans “Sense of Doubt” (Heroes, 1977), instrumental ambient composé avec Brian Eno, avec ses lignes mélodiques symétriques et obliques, comme contradictoires. Trente-six ans après, The Next Day reproduit la couverture de Heroes, mais un carré blanc opaque occulte le portrait devenu mythique, comme pour couper court à l’infinité des réflexions, et à l’illusion d’immortalité qu’elles induisent. À moins que Bowie n’y réfléchisse cette fois la disparition même de son image. »
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