Daniel Cook : “Les ‘Childhood Studies’ incitent à mettre les enfants au centre, et à leur donner un certain pouvoir”

Nombreux sont les parents qui se montrent réticents devant la perspective d’injecter à leurs enfants un vaccin contre le Covid-19, alors qu’ils se sont eux-mêmes massivement fait vacciner. Qu’est-ce que cela signifie selon vous ?

Daniel Cook : Dans ce domaine, les réponses génériques ne sont guère utiles. Il faudrait examiner de plus près les décisions des parents pour eux-mêmes et pour leurs enfants. Il peut exister par exemple des motivations politiques, ou une préoccupation forte concernant les effets à long terme.

Pensez-vous que nous devrions écouter ce que les enfants pensent de leur propre vaccination ?

Oui ! Les enfants doivent être consultés et informés des vaccinations lorsque cela est possible et approprié. Les « études sur l’enfance » préconisent d’ailleurs une approche plus fine et plus sensible de la question.

“Les ‘Childhood Studies’ voient les enfants comme des sujets actifs, qui s’engagent dans la création et l’interprétation de leur propre vie de diverses manières” Daniel Cook

Précisément, vous êtes vous-même “Distinguished Professor of Childhood Studies” à l’université Rutgers. Pourriez-vous nous expliquer ce que sont ces “Childhood Studies” ?

Avant toute autre chose, je dois avouer que je ne prétends pas me considérer comme le représentant d’un domaine ou d’une discipline entière. J’ai certes joué un rôle formateur dans notre programme d’études au cours des 25 dernières années, mais il est évident que beaucoup de mes collègues ne partagent pas mes opinions. Les « Childhood Studies » ont émergé en tant que champ d’études en Scandinavie, au Royaume-Uni et aux États-Unis à partir des années 1980, à un moment où la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant était examinée et débattue – avant d’être adoptée en 1989. Un élan décisif est notamment venu de certains universitaires qui ont commencé à remettre en question des conceptions communément acceptées et qui considéraient l’enfance comme une période assez linéaire au sein du développement social, une période au cours de laquelle les enfants étaient censés évoluer progressivement de la simplicité vers la complexité, et de l’irrationalité vers la rationalité. Selon cette perspective, beaucoup considéraient les enfants comme des êtres incomplets dans l’ici et maintenant, engagés dans le processus de devenir autre chose (c’est-à-dire un « adulte »). L’enfance – en théorie et en pratique – représentait alors une période d’apprentissage, une répétition de la vie adulte, et non quelque chose de digne en soi. Au lieu de cela, les « Childhood Studies » voient les enfants comme des sujets actifs, qui s’engagent dans la création et l’interprétation de leur propre vie de diverses manières, plutôt que comme de simples destinataires de la culture et de la compréhension adultes. Elles incitent à voir l’enfance elle-même comme une réalité constituée d’un point de vue historique, culturel et situationnel, et non comme une donnée universelle de nature biologique. Cela implique qu’il est rarement utile de parler de « l’enfant » ou de « l’enfance » au singulier, car il y a toujours plusieurs enfances à l’œuvre, quelle que soit la situation. Les enfants et leur enfance méritent d’être considérés au pluriel, c’est-à-dire dans le contexte de leurs relations avec des éléments comme la géographie, l’origine ethnique, la capacité ou le handicap, la sexualité et l’expression de genre ainsi que la classe sociale. Surtout, les études sur l’enfance ne se présentent pas comme un ensemble de connaissances factuelles isolées, mais davantage comme une manière de voir ou de savoir, et c’est cet angle de vue qui constitue la contribution propre de ce domaine en devenir.