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Bac philo 2022

Corrigés du bac philo – filière générale : “Revient-il à l’État de décider de ce qui est juste ?”

Aïda N’Diaye publié le 15 juin 2022 6 min

La justice est un concept indispensable à la vie en commun, mais au sujet duquel les humains ont des désaccords profonds. Qui, dans une société, doit décider de ce qui est juste ? Le groupe dominant ? C’est donc la loi du plus fort qui risque de régner. Le plus faible alors, peut-être, afin de s’assurer que tout le monde aura sa part ? Mais ce groupe risque de ne pas pouvoir faire appliquer les principes qu’il aura considérés comme justes. Serait-ce donc au plus grand nombre de décider ? Il arrive cependant aux masses de se tromper et de considérer comme justes des choses qui nuisent à des groupes minoritaires, voire à les violenter. Face à ces dilemmes, on peut être tenté de s’en remettre à l’État, en tant qu’institution « transcendante » qui s’adresse à tous les citoyens, et dont la vocation est d’organiser au mieux la société. Seulement, l’État c’est aussi une administration, une police, des services qui sont censés obéir aux citoyens autant que les contrôler. Tels sont les dilemmes du sujet, que la professeure agrégée Aïda N’Diaye tente de démêler.

 

Proposition de correction : il s’agit ici de pistes possibles de traitement du sujet et non de la copie-type attendue par les correcteurs !

 

  • Principales notions mobilisées par le sujet : État, justice et droit, devoir
  • Auteurs : Robert Nozick, Emmanuel Kant, John Rawls, Jean-Jacques Rousseau

Introduction

Qu’est-ce que la justice ? Voilà une question morale, sociale et politique qui semble insoluble tant nous serions spontanément tentés de dire que nous ne sommes jamais d’accord sur ce qui est juste. Est-il juste de taxer davantage le patrimoine ou le revenu du travail ? Comment savoir si une sanction est juste ? Qu’est-ce que la bonne décision ? À ces questions, il semble que chacun ait une réponse qui lui est propre.

Face à ces désaccords et à la difficulté dans laquelle nous sommes de définir ce qui est juste, n’est-il pas logique de nous en remettre à l’État pour résoudre ce problème ? Si nous ne parvenons pas à nous accorder sur une conception de la justice, « entre nous », horizontalement, la solution pourrait en effet être de confier cette tâche à l’État. En effet, son rôle est précisément d’organiser notre vie commune, par exemple en assurant une certaine justice sociale dans la répartition des richesses (ce que nous pourrions appeler l’équité : le fait que chacun ait ou obtienne ce qui lui est dû). On dit d’ailleurs des institutions judiciaires, et donc de l’État, qu’elles « rendent » la justice…

Mais la question de la justice ne se réduit pas à celle de la justice sociale, de l’équité. Ce qui est juste, c’est également ce qui est bon, et notamment moralement. Dès lors, comment l’État pourrait-il s’arroger cette prérogative ? N’est-ce pas à chacun, individuellement, de décider en son âme et conscience ce qui lui paraît juste et bon de faire ? Ou même, la justice ne doit-elle pas faire l’objet d’un consensus, horizontal, entre citoyens, et non d’une décision, verticale, venant de l’État comme ensemble d’institutions qui surplombent et dirigent la société ?

1) La justice est une des prérogatives de l’État

L’État désigne un ensemble d’institutions, sur un territoire donné, dont la fonction est de diriger, organiser et réguler la société. Il se caractérise donc par une forme de « transcendance » – c’est-à-dire qu’il est extérieur et supérieur à la société qu’il a vocation à pacifier. L’un des enjeux est donc de savoir comment l’exercice de ce pouvoir de l’État sur la société peut simultanément être efficace (permettre réellement à la société d’être organisée) sans pour autant être liberticide (comment faire pour limiter l’exercice de ce pouvoir afin qu’il ne nuise pas aux libertés des citoyennes et citoyens). Pour ce faire, on peut chercher à limiter le pouvoir de l’État par différents moyens, et notamment en définissant le champ restreint des domaines dans lesquels il est légitime qu’il exerce ce pouvoir. On parle de domaines régaliens pour désigner ces domaines de compétence réservés à l’État (ce que seul l’État peut faire). Parmi ceux-ci, la capacité de l’État à rendre la justice, à organiser et exercer un pouvoir judiciaire, est indispensable.

L’État constitue en effet une instance neutre, extérieure à la société, et donc seule à même de rendre une justice qui permette de trancher de manière objective les conflits entre les citoyennes et les citoyens. Même les philosophes qui montrent que l’intervention de l’État dans la société doit être réduite au minimum (par exemple, les libertariens comme le philosophe américain Robert Nozick) conçoivent que la résolution des conflits et la mise en œuvre des contrats doivent être confiés à l’État.

Transition : En tant qu’instance neutre et au-dessus de la société, il appartient donc bien à l’État de décider, par l’autorité dont il dispose, de ce qui est juste. Mais la justice que rend l’État comprend-elle toute la justice ? L’État peut-il, par simple acte d’autorité, définir de manière définitive ce qui est juste ? N’y a-t-il pas aussi là une dimension morale qui échappe à l’État ?

2) La justice appartient à la conscience morale des individus

Si l’État a en effet pour fonction de gouverner et réguler la société, d’exercer son pouvoir pour trancher les conflits qui peuvent opposer ses membres, cette fonction s’entend dans le champ politique et social. Or la question de la justice ne relève pas seulement de ce domaine. C’est aussi et peut-être d’abord une question morale.

Décider ce qui est juste renvoie à la question de savoir ce qu’il est bon, ou bien de faire. C’est alors la question de nos choix et de nos actions, de nos décisions précisément, qui se pose. Or, dans ce champ moral – ce que l’on appelle la philosophie pratique (philosophie de l’action) –, l’État peut-il légitimement intervenir pour nous dicter ce qui est juste ? Il est bien évident que non ! Il n’appartient pas à l’État de nous dicter notre conduite ni même d’ériger des principes ou des règles morales. Lorsque l’institution judiciaire rend la justice, elle ne le fait d’ailleurs pas au titre d’une quelconque morale mais bien au nom de la loi que le juge applique et au nom de la société qu’elle entend protéger. Il ne s’agit alors en rien de porter un jugement moral sur les actes commis. Et d’ailleurs, nous pouvons considérer comme injuste moralement ce que la loi nous prescrit (renoncer à transmettre une partie de notre patrimoine à nos enfants, par exemple) ou, au contraire, considérer comme juste moralement ce que la loi nous interdit (porter secours à des personnes migrantes ou réfugiées présentes illégalement sur le territoire par exemple). Dès lors, comme le fait clairement comprendre Kant en distinguant bien dans la Métaphysique des mœurs, la Doctrine du droit et la Doctrine de la vertu, nous devons, pour préserver notre liberté, exclure l’État du champ de la morale dans lequel il ne lui appartient donc pas de nous dicter ce qui est juste.

Transition : Est-ce à dire que la justice est définie de manière purement individuelle voire subjective ? Si nous ne pouvons pas confier à l’État la tâche de définir pour chacun et pour tous ce qu’il est juste de faire, comment ne pas tomber dans un pur relativisme des valeurs qui consisterait à dire que chacun pourrait, par-devers soi, fixer par lui-même et pour lui-même ce qu’il considère comme juste ? La justice ne peut-elle pas faire l’objet d’une définition commune sans pour autant ne dépendre que d’un pur acte d’autorité de l’État ?

3) La justice ne revient à l’État qu’en tant qu’il représente la société

Toute la question est alors de savoir ce qu’est l’État, qui il est et d’où il tire sa légitimité. Nous l’avons en effet pour le moment défini comme un ensemble d’institutions surplombant la société et ayant vocation à exercer sur celle-ci un pouvoir. L’État est alors dans une position de domination par rapport à la société qu’il gouverne. Mais d’où vient-il ? Pouvons-nous ainsi opposer la société et l’État comme deux entités qui n’auraient rien de commun ? Au contraire, l’État peut en effet être pensé comme représentatif, c’est-à-dire comme un ensemble d’institutions qui émanent de la société, et qui ont vocation à la gouverner mais aussi à la représenter, c’est-à-dire à agir en son nom et à porter ses intérêts, à dégager un intérêt général.

Surtout, c’est ici de la société que l’État tire sa légitimité. Il n’est alors plus une autorité surplombante qui exerce son pouvoir sur la société mais plutôt le moyen (l’ensemble des institutions et des administrations) par lesquels la société et le peuple parviennent à s’auto-réguler. Dans cette perspective, il appartient alors aux citoyennes et citoyens, entre eux, et notamment par l’intermédiaire de leurs représentants, de s’accorder sur ce qui est juste pour dépasser leurs conceptions individuelles ou morales de la justice et construire une justice commune. La justice est alors produite par un processus de délibération notamment (ce que le philosophe John Rawls appelle le consensus par recoupement) ou par la manière dont chacun, en lui-même, peut dépasser sa subjectivité et ses intérêts particuliers pour penser l’intérêt commun (ce que Rousseau appelle la volonté générale).

Conclusion

Il n’appartient alors pas à l’État de définir ce qui est juste dans le sens où cette question doit relever des individus – indépendamment ou collectivement selon que nous traitons de la morale ou du social. En revanche, l’État devient ici le moyen par lequel la justice peut être produite pour représenter et mettre en œuvre la volonté générale et l’intérêt commun.

 


Retrouvez l’ensemble des corrigés de l’épreuve du Bac philo 2022 :

➤ Filière générale :

1. Les pratiques artistiques transforment-elles le monde ?

2. Revient-il à l’État de décider de ce qui est juste ? 

3. Commentaire de texte : Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique, d’Antoine-Augustin Cournot

➤ Filière technologique :

1. La liberté consiste-t-elle à n’obéir à personne ? 

2. Est-il juste de défendre ses droits par tous les moyens ?

3. Commentaire de texte : l’Encyclopédie, de Denis Diderot

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