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Bac philo 2021

Corrigés du bac philo – filière générale : “Discuter, est-ce renoncer à la violence ?”

Aïda N’Diaye publié le 17 juin 2021 6 min

Faire le choix de régler nos problèmes, nos différends avec l’autre par la parole implique de renoncer à la violence physique. Pourtant, le langage est la source d’autres formes de violences et de domination, plus insidieuses. Mobilisant Maurice Merleau-Ponty pour éclairer ce paradoxe soumis aux candidats du bac philo 2021, Aïda N’Diaye, professeur au lycée, souligne que parler ensemble, c’est toujours déjà accepter d’être en communauté avec autrui.

 

Proposition de correction : il s’agit ici de pistes possibles de traitement du sujet et non de la copie-type attendue par les correcteurs !

 

  • Notions du programme : le langage, l’État

 

Dans Les Fragments d’un discours amoureux, Roland Barthes analyse la « scène » de ménage : il n’y s’agit pas de dire la vérité mais bien d’y avoir le dernier mot. Ce qui importe, dit-il, c’est la « dernière réplique » – l’enjeu est donc de clouer le bec à son interlocuteur, c’est-à-dire d’imposer sa position de domination. Certes, discuter, ce n’est pas (toujours) se disputer, mais cet exemple montre que la discussion, plus ou moins agitée, semble ne pas nécessairement exclure la violence. Car la violence n’est pas que physique ou matérielle. Dès lors, la discussion ne peut-elle pas être également le lieu d’une violence symbolique ou de rapports de force ? Mais discuter ne signifie pas seulement faire usage de la parole ; c’est aussi échanger et partager des idées dans la tentative de trouver un terrain d’entente. Accepter la discussion, c’est accepter – par exemple dans le cas d’un conflit social – d’entrer dans une négociation qui pourrait déboucher sur une résolution du conflit. De la même manière, on parlera de pourparlers pour désigner les discussions qui doivent permettre à des belligérants de mettre fin aux combats qui les opposent. De ce point de vue-là, discuter avec l’autre (on ne discute pas tout seul) n’implique-t-il pas de substituer la parole à la force et aux armes, et donc de renoncer à la violence ?

Mais pour rompre définitivement avec la violence, encore faudrait-il que le langage permette d’instaurer un ordre du discours qui échappe totalement aux rapports de force qui lui sont extérieurs et lui préexistent. Cela est-il seulement possible ?

Nous verrons dans un premier temps que la discussion exclut de fait la violence, puisque la parole est immatérielle là où la violence est matérielle. Mais, précisément, la violence ne peut-elle pas s’exercer, sous une autre forme, également dans l’ordre du discours ? Toutefois, discuter n’est-ce pas se placer sur un terrain commun avec son interlocuteur et donc nécessairement renoncer à l’usage de la violence ?

Le langage est un outil de communication immatériel, et donc à l’opposé de la violence physique

  • La discussion repose sur l’utilisation du langage, qui est immatériel

Or la violence, à l’inverse, se caractérise par sa dimension physique. Il semble donc a priori que, par définition, la discussion se déroule dans un domaine étranger et extérieur à la violence.

Du linguiste Ferdinand de Saussure au philosophe Friedrich Nietzsche, l’analyse du langage comme un système arbitraire de signes va dans le sens de cette caractérisation de la parole comme immatérielle et, en partie du moins, creuse (chez Nietzsche, notamment), dans le sens où elle ne serait qu’une pure convention. Dès lors, discuter, c’est simplement transmettre des informations par l’intermédiaires de ces signes que sont les mots, et cela semble exclure la violence.

  • Les paroles et les actes s’opposent, la discussion et la violence aussi

Et même, on peut voir dans la parole une forme d’empêchement, voire d’impuissance, liée précisément à son immatérialité et à son artificialité qui nous éloigne encore davantage de la sphère de la force et de la violence. C’est le sens notamment de l’opposition entre la parole et les actes, qui semble placer la parole du côté de l’inefficacité, voire d’une certaine vacuité, et les actes, au contraire, du côté de l’effectivité. Dès lors, qu’on le veuille ou non, en somme, discuter serait nécessairement renoncer à la violence – car parler, ce n’est pas la même chose que faire ou agir, et ce n’est même ni faire, ni agir.

Cette vacuité ou inefficacité des mots fait notamment l’objet des analyses de Bergson dans Le Rire, dans lequel il montre en quoi les mots sont en partie inefficaces puisqu’ils ne parviennent pas à parler correctement des réalités particulières et uniques qu’ils désignent, car ce ne sont que des étiquettes générales. Les paroles étant immatérielles, voire inefficaces, la discussion semble donc nécessairement exclure la violence.

 

Transition : Mais suffit-il de discuter pour échapper à la violence ? La discussion ne peut-elle pas aussi être porteuse des rapports de force et de domination qui lui préexistent ? La violence n’est-elle que matérielle ?

Discuter ne signifie pas nécessairement renoncer à la violence

  • Il y a des usages de la discussion dont la seule finalité est d’assoir une domination

On parle de la polémique, par exemple, pour désigner ce type de discussion. Il y a bien alors une forme de violence, puisqu’il s’agit de dominer son interlocuteur devenu adversaire. C’est bien ce que revendique Gorgias dans le dialogue de Platon du même nom. Dans ce cadre, discuter, ce n’est pas renoncer à la violence (au contraire) mais c’est la prolonger par d’autres moyens – et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle Socrate préfère renoncer à la discussion lorsqu’elle se déroule dans de telles conditions (c’est-à-dire quand elle a pour but la domination, et non la recherche commune de la vérité).

  • Même lorsque le cadre n’est pas explicitement polémique, la discussion est porteuse des rapports de force qui lui préexistent

Si le langage est un outil de communication, cela signifie que, comme pour tout outil, les effets qu’il produit dépendront du pouvoir dont est par ailleurs doté celui qui l’utilise. La parole est, dans la discussion, porteuse de la violence symbolique qui lui préexiste – sociale, institutionnelle, culturelle, etc.

Dans Ce que parler veut dire, Bourdieu montre ainsi en quoi notre manière de parler, et donc de discuter, qui fait partie de notre habitus (c’est-à-dire notre capital social incorporé), reflètera les positions de domination qui traversent la société. Il serait illusoire de prétendre échapper à ces rapports de force par la simple discussion. On peut donc en conclure qu’il ne suffit pas de renoncer à la force matérielle, dans la discussion, pour échapper à la violence qui peut aussi être symbolique.

 

Transition : Mais discuter ne signifie pas seulement parler : dans la discussion, n’y a-t-il pas l’idée d’un partage, d’une expérience commune qui exclue nécessairement la violence ?

Discuter, ce n’est pas seulement échanger des informations, c’est partager une expérience commune avec l’autre, et donc faire communauté

  • Discuter, c’est vivre une expérience commune avec l’autre, et donc échapper à la violence

Échanger, cela signifie en effet également partager, vivre une expérience commune avec mon interlocuteur. Quand je discute avec autrui, ce qui importe, ce n’est pas tant ce dont nous parlons ni les informations qui sont transmises, mais le fait d’être et de discuter avec l’autre. La discussion, dans ce sens, est une expérience vécue en commun avec autrui.

C’est la définition que Merleau-Ponty donne du dialogue dans la Phénoménologie de la perception. Discuter, au sens de partager, c’est donc nécessairement renoncer à la violence.

  • D’où l’importance de la discussion dans la sphère politique et démocratique qui cherche à exclure la violence

C’est ce qui explique l’importance de la discussion et de la délibération dans la sphère publique politique, et particulièrement démocratique, qui place la parole au cœur de son fonctionnement – à Athènes, déjà. 

Comme l’analyse Éric Weil par exemple, pour « faire communauté », il faut déjà être d’accord sur un point, qui est précisément de discuter et non de se battre en cas de désaccord. La question politique majeure est donc celle des conditions d’une délibération productive et légitime.

Conclusion

Parler n’exclut pas nécessairement la violence puisque les différents usages du langage ainsi que les positions des interlocuteurs dans la discussion ne permettent pas d’échapper aux rapports de force et de domination qui peuvent les opposer par ailleurs et leur préexister. Mais discuter, ce n’est pas seulement transmettre des informations ni parler. Cela signifie aussi échanger et partager avec l’autre et dans ce sens, comme le montre d’ailleurs la place de la délibération en démocratie, discuter, c’est nécessairement renoncer à la violence pour tendre vers un terrain d’entente avec autrui.

 


 

Retrouvez l'ensemble des corrigés de l’épreuve du Bac philo 2021 :

➤ Filières générales :

  1. Discuter, est-ce renoncer à la violence ?

  2. L’inconscient échappe-t-il à toute forme de connaissance ?

  3. Sommes-nous responsables de l’avenir ?

  4. Commentaire de texte : De la division du travail social (1893) d’Émile Durkheim.

➤ Filière technologiques :

  1. Est-il toujours injuste de désobéir aux lois ?

  2. Savoir, est-ce ne rien croire ?

  3. La technique nous libère-t-elle de la nature ?

  4. Commentaire de texte : Le poète et l’activité de fantaisie (1907), de Sigmund Freud.

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