Corrigés du bac philo – filière technologique : “Est-il toujours injuste de désobéir aux lois ?”
Les lois sont absolument essentielles à la vie commune puisque c’est à partir d’elles que nous pouvons définir la justice. Pourtant, force est de constater que toutes les lois ne sont pas légitimes et peuvent au contraire uniquement servir des intérêts personnels. Pour résoudre ce paradoxe, Mathias Roux, professeur de lycée agrégé de philosophie, soutient alors que la désobéissance n’est souhaitable que lorsqu’elle permet l’avènement d’une justice authentique et véritable.
Proposition de correction : il s’agit ici de pistes possibles de traitement du sujet et non de la copie-type attendue par les correcteurs !
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Notion du programme : la justice
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Repères utiles du programme pour traiter le sujet : en fait / en droit, absolu / relatif, obligation / contrainte, légal / légitime
Introduction / Problématisation
Produit d’une décision commune, prises par les représentants du peuple, les lois sont des règles partagées. Elles servent de repères communs pour distinguer ce qui est juste de ce qui ne l’est pas. Sans elles, chacun déciderait en fonction de son intérêt propre et de sa subjectivité de ce qu’il considère comme juste ou pas.
En effet, le caractère juste d’une situation ou d’un partage dépend du critère du jugement qu’on adopte. Or, ils peuvent être différents d’une personne à l’autre. Selon qu’on est attaché davantage à la notion de mérite qu’à celle d’égalité des chances, par exemple, nous n’aurons pas la même estimation, en termes de justice, d’une situation. Le vote collectif de la loi permet de résoudre le problème en donnant au critère de justice choisi une légitimité qui le rend incontestable. Chacun est dès lors obligé de la respecter au risque, dans le cas contraire, d’être injuste. Même si la loi n’est pas forcément en ma faveur, voire me désavantage, il serait injuste que je me croie autorisé à y désobéir. Par exemple, payer des impôts peut me déplaire pour différentes raisons, mais il n’est pas juste que je n’en paye pas en dissimulant mes revenus réels.
Pour autant, est-il toujours injuste de désobéir aux lois ? N’y a-t-il pas des cas où la légalité de la loi ne la rend pas légitime pour autant ? Par exemple, quand la loi est en contradiction avec une valeur éthique ou porte atteinte à la dignité de l’individu et aux droits de l’homme ?
Première partie / Il est toujours injuste de désobéir à la loi car elle est la norme du juste
Il existe de nombreux critères et conceptions de la justice qui entrent en concurrence. Ceux-ci différent selon les valeurs morales, les coutumes, les croyances, etc. Cet état de fait génère du conflit car les hommes ne parviennent pas à s’accorder sur un critère commun.
Pour vivre le plus en paix possible, éviter l’arbitraire et la violence engendrés par la domination d’un groupe ou d’un individu imposant sa volonté en matière de justice, les hommes ont besoin de lois.
La légalité (la forme propre à une décision collective) de la loi la rend légitime. Elle est fondée en droit et en raison. Elle s’applique à tous. Dans ces conditions, il devient injuste d’y désobéir car alors, cela reviendrait à s’autoriser d’enfreindre la règle qu’on a voulue pour les autres et pour soi. Cela serait donc analogue à s’autoriser à tricher à un jeu dont tous les participants suivent les règles définies d’un commun accord.
Deuxième partie / Toutes les lois ne sont pas justes en soi
Il est donc injuste de désobéir aux lois quand cela nous arrange. Pour autant, il est contestable d’établir une stricte équivalence entre la légalité et la légitimité.
Ce n’est pas parce qu’une loi est adoptée de façon régulière (discutée et votée par des représentants de peuple élus démocratiquement) qu’elle est, par définition et absolument, légitime.
Il existe de nombreux cas historiques où la loi n’est que l’expression des intérêts d’une majorité qui ne correspond pas à l’intérêt général. C’est alors la tyrannie, ou l’autocratie (c’est-à-dire la dictature, au sens moderne du terme), qui survient. L’on peut également penser aux lois qui vont à l’encontre de principes supérieurs comme l’égalité de principe entre les êtres humains. Voilà pourquoi certaines lois ont pu, par le passé, être votées puis abrogées – car une fois ré-évaluées, elles sont soudain perçues comme profondément injustes (par exemple en France, les lois dites « scélérates », instaurées contre l’anarchisme à la fin du XIXe siècle avant d’être supprimées).
Troisième partie / La désobéissance à la loi n’est juste qu’à la condition d’être justifiée par une norme de justice supérieure fondée en raison
Si une loi peut être injuste, alors il est justifié d’y désobéir. Souvenons-nous des actes de contestation des mesures juridiques de ségrégation raciale aux États-Unis ou en Afrique du Sud, ou de la désobéissance civile contre un État jugé illégitime (et donc contre les lois de ce même État) prônée en Inde par Gandhi. Pensons aussi à la tragédie grecque Antigone de Sophocle, dans laquelle l’héroïne s’oppose frontalement à la Loi de Thèbes, qui ordonne que le corps de son frère Polynice soit privé de sépulture. Ne pouvant supporter cette loi cruelle, elle n’hésite pas risquer sa vie pour s’y opposer.
Toutefois, la désobéissance est juste uniquement si elle se fonde sur une valeur morale objective ou une norme politique supérieure. Puisque nul organe législatif n’est infaillible, une loi peut tout à fait s’avérer contraire à la Constitution ; c’est d’ailleurs précisément pour éviter cela qu’il existe, dans la plupart des démocraties du monde, une Cour constitutionnelle, dont la tâche est de vérifier la légitimité de la loi en regard d’une loi qui lui est supérieure – en l’occurrence, le cadre juridique fondamental offert par la Constitution. Si une loi contrevient à cette Constitution, donc, je peux, au nom des droits de l’homme qui inspire celle-ci, avoir un motif valable de désobéir à celle-là. Notamment en cas d’urgence vitale (voir, par exemple, le secours apporté en mer à des migrants sans papiers sur le point de se noyer, ou apporté sur le territoire à des personnes en situation irrégulière plongées dans une grande détresse physique et psychique).
La désobéissance n’est juste, enfin, qu’à une autre condition que donnait John Rawls : à savoir que nous ne disposons plus ou pas des moyens juridiques ordinaires qui permettent, en temps normal, de contester la loi (par des recours devant les tribunaux administratifs ou en votant pour des individus dont le programme politique propose d’y apporter des modifications).
Conclusion
Il n’est donc pas toujours injuste de désobéir à la loi, mais sous certaines conditions exclusivement. Si celles-ci ne sont pas respectées, la désobéissance ne fait qu’ajouter de l’injustice à l’injustice en répondant à l’arbitraire de la loi par une autre forme d’arbitraire (à savoir, agir en fonction de mon intérêt propre, en imposant aux autres mes désirs).
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