Colloque sur la “déconstruction” : ce qui s’est (vraiment) dit à la Sorbonne
Vendredi 7 et samedi 8 janvier a eu lieu à la Sorbonne un colloque intitulé « Après la déconstruction : reconstruire les sciences et la culture ». Un événement qui a suscité autant d’engouement que de critiques. À l’occasion de notre dossier spécial consacré à la « déconstruction », nous vous proposons de (re)vivre ces trois jours de débats… et d’invectives. Récit.
Qu’un lieu aussi prestigieux et chargé d’histoire accueille un colloque appelant à « déconstruire la déconstruction » est tout un symbole. Le vendredi 7 janvier 2022 a eu lieu à la Sorbonne le colloque international intitulé « Après la déconstruction : reconstruire les sciences et la culture », organisé par le Collège de philosophie (et avec le soutien du Comité Laïcité République).
Pour Pierre-Henri Tavoillot, maître de conférences en philosophie à la Sorbonne et à Sciences Po Paris et organisateur du colloque, cet événement est « inédit dans le monde universitaire ». Son but était clair et affiché : sortir de la pensée unique incarnée par le « wokisme », le néo-féminisme, l’écoféminisme, l’intersectionnalité, la cancel culture et autres néologismes jugés barbares et confus. Pour les participants, une nouvelle pensée, se voulant humaniste, rationnelle et universelle, doit émerger en contrepoint de la pensée déconstructionniste. Tout un programme…
La Sorbonne, à nouveau le champ de bataille des idées
Si la Sorbonne est un symbole, c’est aussi que ce colloque avait pour but explicite de prendre le contrepied de la « pensée 68 », pour reprendre le titre d’un livre polémique des philosophes Luc Ferry et Alain Renaut. Or, lors des événements de mai 1968, la Sorbonne, en plein cœur du Quartier latin, a constitué une base arrière idéologique au mouvement estudiantin. Près de 50 ans après, le vent a tourné : pour les intervenants, il s’agissait de revenir sur Mai 68, dont l’enfant lointain serait précisément la pensée déconstructionniste. On comprend mieux la présence de personnalités jugées à droite, comme le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer venu introduire le colloque – ce qui a été particulièrement critiqué.
L’entreprise de déconstruction est l’affaire de la philosophie. Comme nous le rappelle Pierre-Henri Tavoillot, qui propose non sans ironie une « généalogie de la déconstruction », l’histoire de la philosophie occidentale est celle d’une succession de déconstructions : d’abord à l’âge moderne, de Descartes à Kant, qui a déconstruit le passé, la nature et la divinité ; puis, avec les penseurs du soupçon, qui ont remis en cause la pertinence et la légitimité des constructions humaines (Schopenhauer, Nietzsche, Freud, Marx) ; enfin, à travers le « moment 68 », où il s’est agi de poursuivre l’entreprise en élargissant les domaines, voire de ne viser la déconstruction que pour elle-même.
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