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Dossier spécial "Déconstruction" (4/5)

La déconstruction sur le banc des accusés

Octave Larmagnac-Matheron publié le 04 février 2022 4 min

Dans notre revue de presse du 4 février, une question : faut-il jeter l’anathème sur les « déconstructeurs » ? La question fait rage dans l’espace public, par tribunes interposées, depuis le colloque polémique de la Sorbonne, « Après la déconstruction : reconstruire les sciences et la culture ».

[Nous republions cet article dans le cadre de notre dossier consacré au concept de « déconstruction », que vous pouvez retrouver dans son ensemble ici]
 

Pierre-André Taguieff : “Du pédantisme déconstructionniste est né ce monstre qu’est le ‘wokisme’”

Derrida à l’origine de la cancel culture ? Cette conviction était au coeur du colloque de la Sorbonne. Le philosophe Pierre-André Taguieff s’en expliquait ainsi dans Le Figaro : « Il est clair que seule la civilisation occidentale fait l’objet des activités déconstructrices, qu’elles s’attaquent à des formes discursives jugées trompeuses ou à des ordres sociopolitiques jugés injustes ou inégalitaires. Incarnation supposée de la volonté de puissance et de domination, matrice désignée de l’exploitation capitaliste et de l’impérialisme colonial, le monde occidental est traité par les déconstructeurs comme l’ennemi absolu. La déconstruction est l’arme intellectuelle censée permettre de dévoiler l’insoutenable face cachée de l’Occident, à savoir son racisme et son sexisme, considérés comme ses héritages culturels à dénoncer, en attendant de les abolir. »

 

Élisabeth Roudinesco : “On ne combat pas des dérives en faisant la guerre à l’intelligence”

La mise en accusation de la déconstruction n’a pas tardé à faire réagir. La psychanalyste Élisabeth Roudinesco en particulier, dans une tribune parue dans Le Monde. À ses yeux, le colloque de la Sorbonne était une sorte de « banquet totémique, au cours duquel ont été voués aux gémonies les meilleurs penseurs de la seconde moitié du XXe siècle, dont les œuvres, devenues classiques, sont traduites et étudiées dans le monde entier : Michel Foucault, Gilles Deleuze, Jacques Derrida, Roland Barthes, Jean-François Lyotard. Tous ces intellectuels, qui ont formé quarante années durant des générations d’étudiants, ont ainsi été accusés d’être les destructeurs de la démocratie » – « hostiles à la République, à l’université et à la laïcité ». La psychanalyste y voit une forme de tétanie face à un monde en plein changement : les accusateurs « se sentent les victimes d’une pensée (le “wokisme”) dont ils ne parviennent pas à endiguer les méfaits : “C’est fichu”, disent-ils en chœur. Et c’est au nom de cette attitude réactionnaire, inspirée par une époque tourmentée, qu’ils ont réussi à former un collectif destiné à combattre le passé sans avoir à penser ni le présent, qui les révulse, ni l’avenir, qu’ils se représentent comme un cauchemar peuplé de monstres. »

 

Jacob Rogozinski : “La déconstruction reste une tâche requise”

Quelques jours plus tard, Jacob Rogozinski venait en renfort, toujours dans Le Monde. Pour le philosophe, « on peut se demander si ceux qui accusent la déconstruction derridienne d’être uniquement destructrice ont lu Derrida ». La déconstruction a tout l’air d’un épouvantail creux – au même titre que l’islamo-gauchisme ou le wokisme ? Et de revenir au sens que Derrida donnait à la notion : « Lorsqu’il analyse les hiérarchies implicites de la tradition philosophique, il s’efforce de dégager des motifs de pensée qui leur échappent. Sa pratique de la déconstruction est en quête d’un “indéconstructible”, qu’il en est venu à identifier avec l’exigence de justice, celle d’une “démocratie à venir”. » Derrida le disait lui-même : « La déconstruction est justice. » Rogozinski invite à réinvestir le geste initié par le père de la déconstruction : « Déconstruire l’universalisme ne revient pas à sombrer dans le “relativisme”, mais à découvrir la pluralité peut-être irréductible des différentes prétentions à l’universalité et contribuer ainsi à une refondation de l’universel qui ne surplomberait plus les singularités. »

 

Gérard Bensussan : “Les usages de la notion de déconstruction sont presque toujours fautifs”

Le philosophe Gérard Bensussan fait un constat similaire dans La Croix : « Le mot “déconstruction” est désormais d’une actualité quotidienne, au centre de débats, d’appropriations et de contre-appropriations qui ne cessent d’alimenter une polémique durable, politiquement et idéologiquement. C’est certainement le sort des grandes notions philosophiques que d’être déformées, voire trahies, dès lors qu’elles en viennent à se vulgariser. Il n’est pas inutile pour autant de rappeler à quel point les occurrences de “déconstruction” aujourd’hui, ses usages proliférants, débridés, dans la discussion, sont presque toujours fautifs, si l’on songe à la généalogie et à l’histoire de ce concept. »

 

Emmanuel Faye : “Cessons de prendre pour une pensée critique la ‘déconstruction’ dérivée de Heidegger”

La réplique à ces défenses de la déconstruction n’est pas venue directement des anti-woke. Dans Le Monde, le philosophe Emmanuel Faye renvoie dos à dos « ceux qui entendent déconstruire l’Occident (Jean-Luc Nancy) ou, au contraire, le défendre (Pierre-André Taguieff) ». Il est possible, pour le philosophe, de remettre en question la déconstruction sans sombrer dans un conservatisme aveugle aux innombrables inégalités et discrimination. Selon Faye, le problème de la déconstruction tient essentiellement à sa généalogie : « La déconstruction est née de la traduction de la “Destruktion” heideggerienne. […] La fascination de Derrida pour celui qu’il nommait son “contre-maître” est bien documentée. » Problématique, quant on sait la compromission de Heidegger avec le nazisme. Et Faye de conclure : « Ce n’est pas chez Heidegger que l’on trouvera une inspiration libératrice, lui qui, dans ses cours sur Nietzsche, présentait la “démocratie” comme “la mort de l’Europe”. Et cessons de prendre pour une pensée critique la “déconstruction” dérivée de Heidegger, laquelle a systématiquement contribué, en France, à déstructurer la gauche. »

 

Stéphane Domeracki : “Un travail minutieux d’inspection des déconstructionnismes est engagé depuis longtemps et va s’intensifiant, qui n’est pas que le fait d’idéologues”

Stéphane Domeracki propose, lui, une analyse convergente dans une tribune parue dans L’Humanité. Comme il l’explique, les défenses acharnées de la déconstruction sont en train d’« imposer un nouveau cadre » : « Quiconque s’en prendrait aux “déconstructeurs” (terme nettement préférable à “wokes”) serait allié objectif de Blanquer, Zemmour et de tous les réactionnaires. […] Quiconque ne chanterait pas les louanges de la déconstruction serait d’emblée disqualifié, ainsi le veut cette doxa faussement nouvelle. » Les « déconstructeurs » ont en quelque sorte réussi à utiliser la « chasse aux sorcières » conservatrice lancée contre eux (ou dont ils s’estiment victimes) pour empêcher toute critique, pourtant nécessaire, d’un courant enraciné dans la pensée de Heidegger.

 

Retrouvez ici, là et encore ici les trois autres articles de ce dossier spécial « déconstruction ».

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