Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Varsovie (Pologne), le 24 février 2024. En Pologne, manifestation de soutien à l’Ukraine, à l’occasion du deuxième anniversaire de l’invasion militaire de l’Ukraine par la Russie, devant l’ambassade de Russie. © Wojtek Radwanski/AFP

Cinq enseignements sur deux ans de guerre

Michel Eltchaninoff publié le 26 février 2024 4 min

« Une troisième année de guerre totale commence en Ukraine. Les Européens de l’Ouest, après être passés en vingt-quatre mois par la sidération, la solidarité, l’admiration, l’espoir, semblent désormais gagnés par le découragement. Mais pour pouvoir regarder vers l’avenir, il faudrait commencer par tirer les leçons des deux années écoulées.

➤ Recevez la newsletter quotidienne et gratuite de Philosophie magazine dans votre boîte mail. Et pour profiter de tous nos articles, choisissez l’offre d’abonnement payante qui vous convient le mieux.

Qu’avons-nous appris, donc, de ces vingt-quatre mois ?

  • On n’envisage jamais le pire. Souvenons-nous des semaines qui ont précédé le 24 février 2022. Les services secrets américains prévenaient de l’imminence d’un conflit. Le piège tendu par la Russie à l’Otan (“reconnaissez que l’Ukraine ne fera jamais partie de l’Otan ou nous serons contraints de mettre en œuvre des mesures ‘militaro-techniques’”) était en train de se refermer. Or, en Europe occidentale, ils étaient peu nombreux à sérieusement envisager l’agression. C’est le principe du somnambule, du nom de l’ouvrage de Christopher Clark sur les semaines qui ont précédé la Première Guerre mondiale. L’historien évoque cette “légèreté désinvolte” dans l’esprit des protagonistes qui “regardaient sans voir” ce qui allait immanquablement se produire. Nos yeux sont-ils décillés maintenant, alors que Vladimir Poutine évoque de plus en plus fréquemment de nouveaux ennemis (notamment la Pologne et les pays baltes) ? Sans doute pas.
  • On est confus sur le déroulement des événements. La guerre n’a pas commencé en 2022. Il y a exactement dix ans, les pro-Russes de Crimée lançaient au parlement de la péninsule les grandes manœuvres pour l’annexion de l’île, tandis que les services secrets russes organisaient la guerre dans le Donbass. Ces huit ans de conflit que nous avons refusé de voir ont traumatisé l’Ukraine, tout en la préparant à l’offensive suivante. Pendant ce temps, des pans de l’opinion publique européenne et de nombreux dirigeants affirmaient benoîtement que “la Crimée a toujours été russe”, histoire de ne pas avoir à soutenir Kiev sans équivoque. Notre confusion temporelle et culturelle a convaincu Vladimir Poutine que la guerre totale était envisageable.
  • On néglige les événements contingents. Poutine a commis l’erreur de penser que son armée s’emparerait sans coup férir de Kiev. Volodymyr Zelensky lui avait rappelé un proverbe russe : “Sur le papier, le chemin paraît si lisse que nous en oublions les obstacles” (cité dans la nouvelle biographie de Zelensky, Nous vaincrons, par Simon Shuster). Le Kremlin a négligé l’état du terrain, l’importance de la logistique et du commandement. Mais une erreur du même type a également été commise par certains experts des relations internationales qui ont affirmé dès le début de l’invasion que “Poutine a déjà perdu la guerre”. Or la Russie est, depuis, parvenue à contourner les sanctions, à intensifier ses relations avec la Chine ou l’Inde. Aujourd’hui, les soldats russes sous contrat envoyés au front – ils viennent des régions les plus pauvres de la fédération – gagnent plus d’argent que ce qu’ils auraient pu espérer recevoir en toute une vie de travail. Et s’ils meurent, leur veuve sera riche à millions (de roubles, ce qui est déjà beaucoup). Quant à ceux qui restent à l’arrière et travaillent pour la nouvelle économie de guerre, ils voient leurs salaires augmenter : il faut bien compenser la pénurie de force de travail. Bref, si la phrase “Poutine a déjà perdu la guerre” peut être vraie dans un avenir indéterminé, toute la question est de savoir : quand ? et à quel prix ? C’est le principe des futurs contingents, et nous l’avons négligé.
  • On s’habitue à l’horreur. Le principe d’accoutumance est une vieille réalité. La neurologue Tali Sharot et le juriste Cass R. Sunstein, spécialiste des biais cognitifs, viennent de publier une tribune pour rappeler que “les mouvements politiques extrêmes, ainsi que les conflits meurtriers, s’intensifient souvent lentement. Lorsque les menaces commencent par être minimes et augmentent progressivement, elles finissent par susciter une réaction émotionnelle plus faible, moins de résistance et plus d’acceptation qu’elles ne le feraient autrement. Cette lente montée en puissance permet à des horreurs de plus en plus grandes de se dérouler en plein jour – considérées comme allant de soi, comme ordinaires”. Or la politique néo-impériale du Kremlin a suivi une longue trajectoire, depuis l’invasion de la Géorgie en 2008. Elle a fait l’objet d’intensifications régulières qui ont endormi pas mal d’observateurs. Les deux auteurs affirment pourtant qu’il existe des “agents de déshabituation” qui refusent d’accepter l’apathie générale. Encore faut-il les voir et les écouter, ou qu’ils puissent tout simplement s’exprimer. Navalny était de ceux-là, en Russie…
  • On se détourne du danger. Dans une démocratie, ce ne sont pas les dirigeants qui décident de la hiérarchie des problèmes. Nos représentants ont beau soutenir l’Ukraine de plus en plus fermement, c’est la société qui impose son agenda. Celui-ci est rempli d’exigences à la fois impérieuses et difficiles à concilier – souffrance sociale et transition écologique, notamment. Entre les émeutes de banlieue et la colère paysanne, sans parler de la guerre à Gaza, gardons-nous un espace mental suffisant pour penser à l’Ukraine ? Or, si nous voulons nous défendre contre de futures agressions de la Russie en Europe, il faudrait nous aussi nous mettre sur le pied de guerre – au moins en matière de défense. Nous n’en prenons guère le chemin.

Cette troisième année de guerre qui commence n’est pas seulement inquiétante pour les Ukrainiens. Elle l’est pour nous tous, si nous ne tirons pas les leçons des deux premières. »

Expresso : les parcours interactifs
Pourquoi lui, pourquoi elle ?
Comment expliquer nos choix amoureux ? Faut-il se fier au proverbe « qui se ressemble, s'assemble », ou doit-on estimer à l'inverse que « les opposés s'attirent » ? La sociologie de Bourdieu et la philosophie de Jankélévitch nous éclairent.
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
3 min
Peut-on sauver la Russie d’elle-même ? L'analyse engagée d’André Markowicz
Jean-Marie Durand 23 juin 2022

 « Il faudra bien que la Russie se retrouve face à elle-même. » En préfigurant la possibilité qu’un jour, la guerre en Ukraine dans…

Peut-on sauver la Russie d’elle-même ? L'analyse engagée d’André Markowicz

Article
4 min
Vu de Moscou : “Les pro-guerre et les anti-guerre sont complètement désorientés”
Michel Eltchaninoff 09 mars 2022

En Russie, la loi du vendredi 4 mars dernier punit de 3 à 15 ans de prison toute « fausse information » sur les opérations russes…

Vu de Moscou : “Les pro-guerre et les anti-guerre sont complètement désorientés”

Article
8 min
Jean-Vincent Holeindre : “C’est l’existence, politique autant que militaire, de l’Europe qui est en jeu”
25 février 2022

Au lendemain de l’attaque de l’Ukraine par l’armée russe, la question de la riposte et de l’implication des puissances occidentales est soulevée…

Jean-Vincent Holeindre : “C’est l’existence, politique autant que militaire, de l’Europe qui est en jeu”

Article
12 min
Benoît Pelopidas : “La doctrine de la dissuasion nucléaire exige aussi que la possibilité de la guerre nucléaire reste ouverte”
Martin Legros 09 février 2022

« Vous n’aurez même pas le temps de cligner des yeux ! » La menace formulée par Vladimir Poutine d’une attaque militaire et même…

Benoît Pelopidas : “La doctrine de la dissuasion nucléaire exige aussi que la possibilité de la guerre nucléaire reste ouverte”

Article
19 min
Custine : celui qui avait tout deviné de la Russie
Michel Eltchaninoff 26 avril 2023

Au XIXe siècle, l’écrivain Astolphe de Custine visite la Russie, qu’il admire pour son conservatisme. Il publie à son retour un ouvrage qui…

Custine : celui qui avait tout deviné de la Russie

Article
3 min
Menaces de la Russie sur l’Ukraine : vers une "attaque préventive" ?
Michel Eltchaninoff 10 janvier 2022

En affirmant qu’une adhésion de l’Ukraine à l’Otan menacerait la Russie, Vladimir Poutine se range sous la bannière de Thomas Hobbes, qui justifie…

Menaces de la Russie sur l’Ukraine : vers une "attaque préventive" ?

Article
4 min
Vladimir Soloviev, un philosophe contre l’impérialisme russe
Michel Eltchaninoff 22 septembre 2022

Vladimir Poutine a décidé d’annexer des régions prises à l’Ukraine. Il considère qu’il s’inscrit là dans l’histoire russe, fait d’un accroissement…

Vladimir Soloviev, un philosophe contre l’impérialisme russe

Article
7 min
Sommes-nous des cobelligérants de la guerre en Ukraine ?
Nicolas Gastineau 19 mai 2022

Co-belligérance : « faire la guerre avec ». Ce terme désigne l’engagement direct d’un pays aux côtés d’un autre en guerre contre un…

Sommes-nous des cobelligérants de la guerre en Ukraine ?

À Lire aussi
La conspiration de Moscou
La conspiration de Moscou
Par Michel Eltchaninoff
avril 2023
Féminisme et pacifisme, même combat ?
Féminisme et pacifisme, même combat ?
Par Octave Larmagnac-Matheron
octobre 2022
Dans la tête de Poutine en Ukraine
Dans la tête de Poutine en Ukraine
Par Michel Eltchaninoff
mars 2022
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. Cinq enseignements sur deux ans de guerre
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse