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“La Vie est une fête” (2022), pièce de théâtre créée par Jean-Christophe Meurisse et la compagnie des Chiens de Navarre. © Philippe Lebrumann

Attention, Chiens méchants !

Cédric Enjalbert publié le 12 mai 2023 3 min

« Notre besoin de consolation est impossible à rassasier. » Ce n’est pas notre journaliste Cédric Enjalbert qui l’affirme, mais un écrivain suédois, dont il ignorait tout jusqu’à hier soir et qu’il a entendu cité dans une comédie désopilante sur l’absurdité de l’existence, que l’on peut voir actuellement : La Vie est une fête.

 

« La Vie est une fête est donc le titre par antiphrase d’un spectacle créé par Jean-Christophe Meurisse et la compagnie des Chiens de Navarre l’été dernier, joué jusqu’au 3 juin aux Bouffes du Nord, à Paris, après une tournée en France. Cette troupe, réputée pour ses outrances dadaïstes, brosse un tableau du climat hexagonal en une suite de saynètes. Tout débute par des invectives à l’Assemblée… et s’achève à l’hôpital psychiatrique ! La trame a été imaginée bien avant que la réforme des retraites ne mette les Français dans les rues et qu’Élisabeth Borne ne décrète “une période de convalescence”. Mais le spectacle a repris alors que les cent jours d’apaisement promis jusqu’au 14 juillet ont débuté, et il gagne en actualité. La scène d’ouverture se déroule en effet dans un hémicycle cacophonique, divisé sur le recul de l’âge de la retraite à 72 ans (sic). La colère et la honte que l’on peut éprouver face à la misère de nos représentants s’échappe immédiatement dans un rire franc et cathartique… parfois gras. L’air de rien et mine de tout, Jean-Christophe Meurisse s’inscrit dans la tradition des consolations qui, depuis l’Antiquité, cherchent des raisons de vivre en dépit des souffrances de l’existence : des “consolations” stoïciennes de Sénèque – invitant à s’épargner toute affectation inutile – jusqu’à la Consolation de Philosophie – conçue comme un dialogue sur le bien entre Dame Philosophie et Boèce, en attente de son exécution – en passant par les consolations chrétiennes, qui promettent le meilleur dans des paradis extraterrestres.

Deux figures tutélaires veillent ici sur la “fête” : le spectre de Christophe, le chanteur des Paradis perdus (1973) – “Je déambule morose / Le crépuscule est grandiose” –, et l’essayiste, poète et journaliste libertaire suédois Stig Dagerman. Dans un bref essai écrit en 1952 et traduit en français en 1984, trente ans après son suicide, il déploie son pessimisme.

“Je n’ose donc jeter la pierre ni à celle qui croit en des choses qui ne m’inspirent que le doute, ni à celui qui cultive son doute comme si celui-ci n’était pas, lui aussi, entouré de ténèbres. Cette pierre m’atteindrait moi-même car je suis bien certain d’une chose : le besoin de consolation que connaît l’être humain est impossible à rassasier.” Il poursuit en super sceptique : “Je ne possède pas de philosophie dans laquelle je puisse me mouvoir comme le poisson dans l’eau ou l’oiseau dans le ciel. Tout ce que je possède est un duel, et ce duel se livre à chaque minute de ma vie entre les fausses consolations, qui ne font qu’accroître mon impuissance et rendre plus profond mon désespoir, et les vraies, qui me mènent vers une libération temporaire”

Stig Dagerman, Notre besoin de consolation est impossible à rassasier, 1952

De ce duel dramatique entre désespoir et liberté, les Chiens de Navarre tirent le ressort explosif de leurs situations comiques, jamais complètement désabusées car une amicale mélancolie point dans leur galerie de personnages. Ils se moquent d’ailleurs tout aussi bien des épigones attardés de Schopenhauer, pour lequel “la vie donc oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l’ennui”. Alors, que reste-t-il après une heure quarante-cinq de démolition, sinon un plateau en ruine ? D’abord, comme à la lecture du méchant Schopi, on ne s’ennuie jamais. Ensuite, l’irrévérence détend. On se trouve libéré de la gravité du moment, riant des tentations paternalistes qui voudraient faire de nous les enfants convalescents d’une existence difficile, dont il faudrait prendre soin. Sur scène, à l’issue d’une chamaillerie entre CRS et Gilet jaune, un médecin psychiatre invite ainsi “le peuple et l’État” à se faire “un petit bisou”, qui “mettrait tout le monde d’accord”. Cet irénisme tranquille, les acteurs le moquent à raison. Car comme l’écrit le philosophe Vincent Delecroix dans Consolation philosophique (Bibliothèque Rivages, 2020), si la consolation a un sens philosophique, c’est justement qu’elle “ne comble pas la brèche ouverte par la perte. Elle assure au contraire un statut ontologique à ce qui manque, en maintenant cette brèche ouverte”. Bref, nous serions inconsolables et c’est très bien ainsi. Bisous, merci ! »

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