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Photo de Pascal Chabot, extraite de l'émission “Philosophie” consacrée au progrès © Arte

Témoignages

Attention, ça brûle !

Pascal Chabot, Jean-François Mattéi, propos recueillis par Patrick Williams publié le 21 mars 2013 14 min

Le burn-out est le nouveau mal du siècle : à l’image de nos cinq témoins, il frappe ceux que leur angoisse perfectionniste ou un management pervers dévore. Mais il marque aussi le signal d’une nécessaire transformation de notre rapport au travail, soutient Pascal Chabot, l’auteur de “Global Burn-out”.

« La généalogie du concept de burn-out est passionnante. Le terme est inventé par le psychiatre américain Herbert J. Freudenberger dans les années 1970. Celui-ci travaillait à New York avec des toxicomanes, à qui le terme “burn out”, une “consumation de l’intérieur”, était parfois appliqué. Mais, bientôt, Freudenberger s’est aperçu que le personnel soignant montrait lui aussi des signes d’épuisement émotionnel et mental : trop de travail, trop d’idéalisme, trop d’investissement. Les soignants de cette free clinic se sentaient vidés, exténués, incapables de récupérer. Ils en faisaient toujours plus, s’isolaient, niaient le malaise jusqu’à un phénomène de dépersonnalisation : attitudes cyniques, comportements autodestructeurs, profonde autodépréciation. Mais le terme de Freudenberger a une origine encore plus ancienne. Il apparaît dans le roman de Graham Greene, A Burnt-Out Case, écrit en 1961. Cette expression était utilisée dans les léproseries pour parler des cas où la maladie trouve un arrêt après qu’il y a eu perte des orteils et des doigts. En somme, le mal s’est tari, “consumé” : le patient est un burnt-out case. Il a perdu, avant de guérir, tout ce qui est susceptible de se consumer. Ainsi le burn-out, maladie qui brûle tout de l’intérieur, est-il aussi le signe d’une guérison, d’un dépouillement, d’une libération. C’est toute son ambiguïté étonnante qui résonne avec la situation actuelle : à la fois syndrome d’épuisement et possibilité de changement.

Aujourd’hui, le burn-out peut apparaître comme une pathologie propre à notre société technico-capitaliste, qui exige toujours plus de rendement, d’efficacité. Elle est la maladie du trop : trop de vitesse, d’objets, d’échanges et de combustion mentale et physique. Un trouble-miroir qui se place sous le signe du feu pour une société qui vit une combustion permanente. Les victimes de burn-out ne sont ni des paresseux ni des inadaptés. Ce sont les bons élèves, ceux qui s’investissent le plus, les plus idéalistes. En cela, l’ancêtre lointain du burn-out est l’acédie qui frappait les moines au Moyen Âge. Ce trouble mélancolique touchait les éléments les plus pieux. Tout d’un coup, ils éprouvaient un immense sentiment de vide, d’angoisse, de remise en question de leur foi. Cette crise de foi me semble aujourd’hui affecter les “croyants” les plus zélés dans une société qui idolâtre le travail. Acédie au Moyen Âge, spleen au XIXe siècle, neurasthénie au début du XXe, burn-out aujourd’hui : les formes changeantes de notre civilisation s’accompagnent, à chaque fois, de nouvelles pathologies. Le burn-out actuel peut être interprété comme une maladie de l’adaptation. Notre société demande en permanence à ses membres de s’adapter. Et, certes, l’être humain possède une grande capacité plastique. Mais le problème est qu’on lui demande de s’adapter pour s’adapter. La finalité peut alors s’estomper et ne pas s’inscrire pas dans une perspective plus large, où la personne pourrait se réaliser. D’où l’impression de perte de sens. La victime de burn-out est prise en étau entre des contraintes professionnelles de plus en plus grandes, et des exigences morales qui vont dans un sens contraire. Il y a un sentiment de double bind, d’injonction contradictoire. Cela tient au fait que notre société ne privilégie que le progrès utile et non subtil. Le progrès utile est quantifiable, il connaît une progression multilinéaire, permanente. Le progrès subtil, beaucoup plus fragile, renvoie à tous ces domaines de la vie humaine qui ne sont pas mesurables : l’éducation, le soin, la création. Ils reposent sur une matière par définition défaillante : l’être humain. Pourtant, ils sont essentiels. C’est pourquoi les premières professions touchées par le burn-out ont été celles des soignants, des enseignants, des éducateurs, tous ceux qui font métier d’aider l’autre. Le déséquilibre entre progrès utile et subtil doit être pensé. Il faut rééquilibrer les deux progrès, définir un nouveau pacte face à l’évolution de la société machinique, comme il y en a eu un au XVIIIe siècle pour faire face à la brutalité de l’état de nature. »

 

«L’arrêt de toute activité m’a fait basculer»

Jean-François Mattéi / 72 ans / Philosophe et écrivain

« Un moment de détente après une période très active : je venais d’achever la rédaction de trois livres sur Albert Camus et d’un ouvrage sur Platon et les simulacres modernes, et j’étais parti en vacances avec mon épouse en Grèce, sur l’île de Santorin. Même si j’avais pris ma retraite de l’enseignement, je restais très occupé : des conférences plusieurs fois par semaine, des soutenances de thèses, et donc la rédaction de ces livres, une tâche qui m’avait passionné. Arrivé sur le site magnifique de Santorin, en pleine forme et d’excellente humeur, l’arrêt soudain de toute activité m’a fait basculer dans un état second. J’ai éprouvé une angoisse énorme, comme je n’en avais jamais connu dans ma vie. Une boule de terreur montait et descendait dans ma poitrine. J’éprouvais un épuisement sans fond. Je n’avais plus envie de lire, plus envie de vivre. Les choses avaient perdu tout sens et toute saveur. Ce n’était pas la peur qu’on éprouve face à un danger objectif, fût-ce la mort. Plutôt une panique sourde, indicible, un peu comme l’angoisse, au sens heideggerien du terme, devant le néant, le rien.

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Article issu du magazine n°68 mars 2013 Lire en ligne
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