Hors-série "Hannah Arendt"

Arendt et Sarraute, complices en irrévérence

Bérénice Levet publié le 30 janvier 2023 3 min

Lectrice de Proust, Hannah Arendt a dû goûter le portrait de la duchesse de Guermantes ulcérée par le snobisme de Mme de Cambremer invitant à « relire » Schopenhauer. Comme la romancière Nathalie Sarraute, la philosophe porte un regard caustique sur les intellectuels qui se gargarisent d’une œuvre, tenant l’art pour un produit de consommation, au lieu d’un instrument d’élucidation du réel.

 

Hannah Arendt et Nathalie Sarraute ont lié connaissance en 1964, lors de la venue de la romancière aux États-Unis, invitée à prononcer une conférence à l’université de Berkeley. Une lettre à Karl Jaspers, datée du 14 mai 1964, nous permet de l’établir : « T’ai-je écrit que j’ai fait la connaissance de Nathalie Sarraute ? […] Si proche dès les premiers instants. »

Arendt aimait la personnalité de Sarraute, et les moments qu’elles eurent l’occasion de partager sont toujours évoqués avec beaucoup de chaleur par la philosophe. S’il est difficile de parler d’amitié – nulle trace épistolaire de leur relation n’a été retrouvée, et les témoignages des proches font défaut –, les indices que nous possédons autorisent à conclure à des liens sincères et profonds. « Nathalie est venue et nous avons passé un merveilleux après-midi ensemble. […] On peut rire avec elle, et on rit des mêmes choses – un vrai bonheur », écrit Arendt en 1971 à leur amie commune Mary McCarthy, la plus précieuse source en la matière.

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