L’aventure d’un classique

Anders-Arendt : scène de la vie conjugale

publié le 2 min

Günther Anders le reconnaît, il n’est pas très loyal dans cette Bataille des cerises conçu comme un dialogue fictif avec Hannah Arendt, à laquelle il a été marié de 1929 à 1937. Il se donne le beau rôle, puisque ses Dialogues avec Hannah Arendt ont été rédigés après 1975, année de la mort d’Arendt. Mais Anders l’assure : il s’est servi de notes prises lors de leurs conversations dans les années 1930. Ce passage témoigne à la fois de la façon dont les deux philosophes débattaient de leurs idées et d’un pressentiment : le glissement de l’œuvre (ici le travail intellectuel) sous le régime aliénant du travail.

 

Günther Anders, La Bataille des cerises.
Dialogues avec Hannah Arendt,

trad. de l’allemand Philippe Ivernel,
Bibliothèque Rivages, 2013, pp. 57-58.

[…]

« Mais pourquoi fais-tu cette mine tellement sceptique ? » [C’est Hannah Arendt qui parle.]

Après une pause. « Parce que je ne sais pas si tout cela ne s’applique pas peut-être aussi à nous deux. »

« À nous ? Le penses-tu réellement ? »

« Que sais-je ? Peut-être faisons-nous aussi partie de ces “employés” qui, parce qu’ils ne doivent pas le savoir, ne savent pas qu’ils sont des employés. Et ignorent pour qui et contre qui ils font leurs preuves à titre d’habiles employés. Et auxquels “viennent à l’esprit” précisément alors, quand ils sont fiers de penser entièrement “par eux-mêmes”, uniquement ces idées qui leur sont dictées ? »

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Au quotidien, qu’est-ce que ça veut dire d’agir moralement ? Et est-ce que c’est difficile de faire son devoir ? Ces questions ne sont pas anecdotiques pour quelqu’un qui souhaite s’orienter dans l’existence. Et, coup de chance : Emmanuel Kant y a répondu. 
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