Benjamin Constant

Considéré comme l’un des meilleurs penseurs politiques de son temps, Benjamin Constant fut le champion du libéralisme au début du XIX^e siècle.

Né à Lausanne, de culture protestante, grand voyageur, polyglotte, ce Franco-Suisse s’engagea dans la Révolution française après la chute de Robespierre. Proche de Barras, il devint constitutionnaliste et défendit le Directoire puis le coup d’État du 18 Brumaire, avant de se raviser et de critiquer la dérive impérialiste de la politique de Napoléon Bonaparte. Il se rallia pourtant à lui pendant la période des Cent-Jours pour finalement fuir à Bruxelles et à Londres après la chute de l’empereur. Devenu journaliste, il revint en politique sous la Restauration, fut élu et constamment réélu à la Chambre des députés, dans des circonscriptions pourtant différentes, entre 1819 et 1830, année de sa mort.

Représentant du camp libéral, il contribua à l’avènement du « roi bourgeois » Louis-Philippe et empêcha la monarchie d’abuser de son pouvoir. La pensée de Benjamin Constant est tout entière centrée sur la défense de la liberté « en tout, en religion, en philosophie, en littérature, en industrie, en politique » (Mélanges de littérature et de politique, 1829). Mais qu’est-ce que la liberté ? C’est « le triomphe de l’individualisme ». Avant Tocqueville, Benjamin Constant comprit que l’ère ouverte par la Révolution serait moins celle de l’égalité effective des citoyens que celle de la liberté individuelle. Dans son essai le plus célèbre : De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes, discours prononcé en 1819, il montre que loin de chercher le partage social du pouvoir comme c’était le cas dans la démocratie grecque ou la république romaine, « le but des Modernes est la sécurité dans les jouissances privées ». La monarchie, puisqu’elle est de retour, doit donc à la fois combattre l’apathie politique en favorisant le parlementarisme et favoriser « les droits et les jouissances individuelles » comme le veut l’époque, devenue bourgeoise. Alors qu’il stigmatise « l’usurpation », mot qu’il distingue soigneusement de la monarchie pour désigner, dans De l’esprit de conquête et de l’usurpation (1814), le mauvais usage politique du talent individuel, Benjamin Constant valorise « l’initiative » qui permet à l’opinion publique de se faire entendre au parlement et qui est donc « une partie nécessaire des attributions de la représentation nationale » (Principes de politique, 1815).

Amant passionné de Mme de Staël, qu’il suivit lors de son exil en Allemagne et qu’il rejoignit fréquemment dans son château de Coppet, capitale du mouvement libéral européen, Benjamin Constant fut aussi un grand écrivain qui, avec son roman psychologique Adolphe (1816), offrit à la littérature française une œuvre romantique majeure où l’analyse des sentiments du héros racontant la fin de sa liaison amoureuse avec Ellénore inaugurera un genre qui fait encore débat : celui de l’autofiction.