Toucher le vertige
Une recension de Cédric Enjalbert, publié le« J’aimais l’altitude, mais j’avais le vertige. » Parole de philosophe et de charpentier, car Arthur Lochmann ne manie pas seulement les concepts, il travaille aussi le bois et grimpe sur les toits. Il en a témoigné dans un précédent livre, La Vie solide. La charpente comme éthique du faire (Payot, 2019), et revient dans celui-ci sur une expérience physique et métaphysique : celle de « ces moments informes et sauvages » où le monde semble se dérober sous les pieds, « de ces sueurs froides et chaudes qui […] remontent au creux du dos » en altitude. Il s’agit moins d’un essai que du récit, écrit avec style, d’une excursion dans le massif du Mont-Blanc en quatre étapes qui structurent le livre – la montée, le bivouac, le sommet, la descente.
Chemin faisant, le philosophe décrypte le sentiment de beauté mêlé d’effroi qui le saisit devant plus grand que soi, devant l’immensité incommensurable des montagnes, ce que Kant appelle le sublime. « Il n’y a de vertigineux que ce qui dépasse nos capacités de mesurer » pour Arthur Lochmann. Cela vaut quand on vacille aux sommets autant que face à l’absurdité de l’existence. Mais dans la contemplation du précipice, nous éprouvons aussi notre liberté : « Je crois d’ailleurs ne pas connaître de meilleur moyen pour intensifier la relation au monde, et m’y sentir plus vivant, que de la mettre ainsi sur la sellette », note-t-il. Pour apprivoiser ce vertige sans s’y abîmer, le philosophe invite à rompre avec la vision dualiste du monde que l’on doit à Descartes. Car en instaurant une distance avec le monde sensible, gagnés par un idéal trompeur de maîtrise, nous aurions perdu le sens de notre fragilité… ce qui nous aurait rendus paradoxalement plus vulnérables. Contre ce « désengagement », favorisé par une longue tradition philosophique pensant « notre rapport au monde sensible sur l’unique modèle de la vue », le grimpeur réévalue « une philosophie du toucher ». Dans ce modèle de perception active, celui qui perçoit est « inscrit dans le monde et non installé devant lui ». Pour lui, « ce n’est pas un œil, une oreille ou une main qui reçoit passivement le monde, mais l’activité d’un regard, d’une écoute ou d’un toucher » qui embrasse le réel. Ce qu’on appelle prendre de la hauteur !
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