Au GHU de Paris, prendre soin par le toucher

À Paris, une unité hospitalière propose des séances de massages à des patients de tous âges atteints d’anorexie mentale afin de les aider à reprendre progressivement contact avec leur corps. Une démarche qui n’est pas sans rappeler les réflexions contemporaines philosophiques sur le rôle du toucher, en particulier celle d’un philosophe comme Merleau-Ponty.

Dans la chambre d’hôpital aux murs immaculés, Nadine Satori murmure des paroles réconfortantes à Marie, une jeune patiente, pendant qu’elle lui manipule le crâne. « Fermez les yeux, détendez-vous. Imaginez-vous que vous n’êtes plus ici, mais dans un lieu chaleureux et que vous aimez. » Marie est arrivée il y a quelques mois au groupe hospitalier universitaire de Paris (GHU). Elle a alterné des épisodes d’anorexie et de boulimie. Au moment de son arrivée, ses parents lui ont demandé si elle était d’accord pour être hospitalisée. Elle n’a pas réussi à savoir, alors elle les a laissé choisir pour elle. « Je n’arrive pas à choisir, car finalement, choisir, c’est renoncer », souffle cette jeune femme discrète et timide, qui, lorsque Nadine Satori lui suggère de penser à « une plage de sable blanc aux Bahamas » pendant le soin, rétorque : « Je ne veux pas être sur une plage sable blanc, moi, cela ne me fait pas rêver. »

Les étapes de la séance de massage sont progressives. « Toucher un corps relève de l’intime, il faut donc éviter toute situation où ce rapport serait anxiogène. Nous touchons et massons dans les premiers temps la personne à travers ses vêtements et assise. Je ne suis jamais seule lorsque je suis avec un patient, ces soins sont discutés en équipe pluridisciplinaire et validés par une prescription médicale. Nous fixons ensemble avec le patient le cadre du soin : s’il y a des zones qu’il ne souhaite pas que je touche, s’il veut être assis ou couché, etc. », explique Nadine Satori. Après la séance, Marie est invitée à formuler son ressenti. « À partir du moment où j’ai eu des troubles du comportement alimentaire, je ne voulais plus qu’on me touche, c’était devenu désagréable pour moi. Même lorsque ma mère le faisait, j’étais gênée », se remémore la jeune femme. Elle reconnaît facilement qu’elle n’a plus accès à son corps. Il lui arrive souvent de se blesser volontairement en s’exposant à une source de chaleur dans le but de ressentir à nouveau des sensations corporelles. « J’ai bu une soupe cette semaine et je me suis brûlé la lèvre. Il m’arrive parfois de me mettre sous la douche brûlante, juste pour essayer de ressentir à nouveau quelque chose », confie-t-elle.