Quand les montagnes dansent 

« Ni un récit intime, ni tout à fait un essai philosophique, ni une leçon de sciences de la terre » : dans sa postface, la romancière Valentine Goby souligne à juste titre le caractère « hybride où le sensible et la connaissance se répondent » de ce nouveau voyage dans lequel Olivier Remaud entraîne son lecteur. Après avoir « pensé comme un iceberg » dans son essai précédent, le philosophe s’élance à travers les montagnes – celles de la vallée du Queyras, dans les Hautes-Alpes. Un certain goût pour les paysages inhospitaliers ? En apparence seulement. Car partout la vie s’épanouit. Il suffit d’apprendre à la voir. Les vivants « sont discrets mais omniprésents ». Le lichen, en particulier, à la charnière de toutes les « chaînes de cohabitation » qui se tissent entre les falaises. De ces flux vivants entrecroisés, la montagne n’est pas seulement le cadre. « Les vivants […] sont liés à toutes les textures d’un terrain. Ils se confondent avec elles. Le corps des chamois est un morceau de la montagne. Les lichens boivent l’eau des pierres. » Penser comme une montagne, à sa hauteur, c’est penser les « entremêlements de ses histoires telluriques et biologiques ». Il suffit d’un peu d’imagination pour « exhumer l’invisible », pour percevoir les forces titanesques qui mettent en branle le mouvement imperceptible des roches auxquelles s’adosse la vie. « Le territoire entier porte dans ses feuilletés les marques d’un passé de la Terre. […] Le vertige qui nous saisit n’est pas celui des hauteurs. C’est celui des temps épais qui dansent sous nos yeux. » Une randonnée poétique.