L'illusion du consensus

Une recension de Antoine Rogé, publié le

Voyant le bloc communiste se dissoudre tandis que la démocratie libérale étendait progressivement sa sphère d’influence, d’aucuns ont prophétisé l’avènement d’un monde pacifié, sans clivages ni conflits, où le dialogue et le respect des droits de l’homme auraient raison de tous les désaccords. Pour Chantal Mouffe, philosophe belge inspiratrice des mouvements Podemos et Syriza, cette « illusion du consensus » constitue, davantage qu’une naïveté théorique, un danger réel pour la démocratie. En effet, nier la dimension « adversariale » de la politique, notamment les différends entre la gauche et la droite, ne supprime pas les conflits et conforte les hégémonies. Dans ces conditions, la contestation prend forcément une forme stérile et souvent violente : celle de la révolte morale, moteur du populisme mais qui peut aussi mener au terrorisme. C’est pourquoi l’auteur fait le pari original de réhabiliter en politique l’antagonisme et les passions qui lui sont liés. Pour Mouffe, l’opposition ami/ennemi théorisée par Carl Schmitt – juriste allemand compromis avec le nazisme, ici mobilisé à contre-emploi – se trouve en effet au cœur de toute identité politique – un fait psychologique incontournable. C’est de l’ignorer qui condamne à terme la gauche libérale à ne faire que de la figuration.

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