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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Palais Bourbon, Paris, le 6 juillet 2022. La Première ministre Élisabeth Borne tient son discours de politique générale à l’Assemblée nationale. © Julien Muguet/Hans Lucas

Reportage

Assemblée nationale : conflits, consensus et grandes manœuvres

Cédric Enjalbert publié le 25 août 2022 16 min

La législature qui vient de débuter au palais Bourbon présente une configuration inédite, n’offrant de majorité claire à aucun groupe parlementaire. Les députés, souvent jeunes et novices, devront donc inventer une méthode pour avancer en composant avec leurs désaccords. Y parviendront-ils ?

 

L’Assemblée nationale est en chantier. Au sens propre – une bâche recouvre la façade à colonnade en réfection – comme au figuré. Dans les couloirs du palais Bourbon, durant ces jours chauds de juin, l’atmosphère est électrique. Les députés sont réunis pour élire leur président. Ils sont 577. Beaucoup font leurs premiers pas dans ce lieu symbolique. Et moi aussi ! Mais, par-delà les fastes et les symboles, ce qui frappe surtout, c’est la dimension concrète du jeu politique qui se met en place. Accrédité pour suivre les travaux parlementaires, je suis venu comprendre la façon dont les rapports de forces s’équilibrent et éclaircir une question de philosophie politique. Les mots « consensus » et « compromis » sont dans toutes les bouches ; j’aimerais savoir ce qu’ils recouvrent. Car négocier pour trouver un terrain d’entente tout comme tenir fermement à ses idées paraissent deux stratégies valables mais difficilement conciliables. Dès lors, les oppositions renforcées vont-elles ramener une saine discorde dans l’Hémicycle ou faut-il redouter l’immobilisme, faute d’accord entre les groupes ? Entrons dans le jeu.

 

« La séance est ouverte »

Mardi 28 juin. L’élection du président de l’Assemblée nationale est à l’ordre du jour. Les élus arrivent par grappes. Parmi eux, Tematai Le Gayic est le benjamin, facilement reconnaissable à sa chemise à motifs. Indépendantiste polynésien, il a été élu à 21 ans sous l’étiquette Tavini huira’atira, « servir le peuple » en tahitien. À ses côtés, Damien Maudet, 25 ans, ex-attaché parlementaire de François Ruffin, membre de La France Insoumise (LFI) et nouveau député de Haute-Vienne. Tous deux siégeront sur les bancs de la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale (Nupes). « Que le Rassemblement national [RN] ait près de 90 sièges, cela fait froid dans le dos. Maintenant, il s’agit de montrer que la réelle opposition, c’est nous, la Nupes », constate ce dernier. « Il faut marcher sur nos deux jambes. La première est l’Hémicycle, l’institution. La seconde, c’est la rue. Il nous faut une majorité sociale et populaire si l’on veut changer les choses dans ce pays. » Selon lui, « la démocratie, ce n’est pas le consensus mais le dissensus ». Tematai Le Gayic fait cependant entendre un autre son de cloche. Pour cet ex-étudiant en histoire et en science politiques, « la démocratie à l’océanienne, c’est beaucoup de consensus, c’est-à-dire qu’il faut faire en sorte que tout le monde soit d’accord ». Une salle, deux ambiances ! Mais il est bientôt 15 heures, et la séance va débuter. Les députés entrent en scène ; les journalistes montent à la tribune qui leur est réservée.

« La séance est ouverte », déclare José Gonzalez. À 79 ans, l’élu RN est le doyen d’âge et, à ce titre, il préside provisoirement la séance. Les députés, placés exceptionnellement par ordre alphabétique, sont appelés à déposer un bulletin dans une amphore verte posée sur la tribune. Une tapisserie des Gobelins surplombe la procession. Elle reproduit la fresque de L’École d’Athènes de Raphaël et représente diverses figures de la philosophie antique. Platon et Aristote y devisent au centre, comme un symbole évident : puissent les débats parlementaires être guidés par la recherche du vrai et du bien… Au second tour de scrutin, après que le candidat du RN Sébastien Chenu s’est retiré, Yaël Braun-Pivet, du groupe Renaissance, est élue présidente de l’Assemblée nationale. Première femme à ce poste, elle prononce un discours : « La configuration de notre assemblée est inédite. Les Français nous enjoignent de travailler ensemble, de débattre plutôt que de nous battre. » Et elle l’affirme : « La voie du dialogue […] sera la fondation sur laquelle nous pourrons bâtir du consensus, des compromis. Cette voie est possible. » Vraiment ? Je réserve ma question, car la séance est levée. J’y reviendrai le lendemain avec la reprise des travaux parlementaires et l’installation du bureau de l’Assemblée : six vice-présidents, trois questeurs et douze secrétaires.

 

Au nom de la loi

Mercredi 29 juin. Ce matin, je retrouve Arthur Delaporte dans le jardin de l’Assemblée. Historien, il n’est pas tout à fait novice, puisqu’il a été collaborateur parlementaire avant d’être élu député socialiste du Calvados, rallié à la Nupes. « On va prendre à cœur notre rôle de parlementaire pour écrire la loi. J’ai été élu pour cela, pas pour faire de l’obstruction, commence-t-il. Pour la première fois, je crois, depuis Michel Rocard – qui lui aussi devait trouver des majorités sur chaque texte –, les parlementaires vont avoir la possibilité de modifier les textes dans des proportions inégalées. » Pourtant, il se dit « rétif au mot “consensus”, parce qu’il suppose une forme d’affadissement, de compromis sans débat ou d’évidence partagée. Or il n’y a aucune évidence. La politique est fondamentalement conflictuelle. Vouloir rendre la conflictualité consensuelle ne me paraît pas une vision saine du débat public. Il s’agit de constituer des majorités et des rapports de forces, que l’on va devoir en permanence rejouer. Mais cette conflictualité républicaine est pacifiée. » Un conflit pacifié, n’est-ce pas paradoxal ? « C’est tout l’intérêt des institutions, rétorque Arthur Delaporte, canaliser les tensions au sein de la société afin de produire une politique publique. Si l’on part d’emblée du consensus, on peut supposer que l’élection en elle-même ne sert plus à rien. On pourrait se contenter de superadministrateurs qui agiraient dans le sens d’un intérêt général objectif. Ce n’est pas ma conception de la vie publique. »

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