Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Photo d'illustration. Séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, le 22 février 2022 à Paris. ©Isa Harsion/Sipa

Législatives 2022

Législatives : un consensus à l’Assemblée sera-t-il possible ?

Martin Legros publié le 20 juin 2022 5 min

Le résultat des élections législatives est inédit dans l’histoire de la Ve République. Si la majorité présidentielle est arrivée en tête, avec une majorité relative de 245 sièges pour la coalition Ensemble, elle est talonnée par deux formations d’opposition : la coalition de gauche Nupes (131) et le Rassemblement national (89). Une tripartition du pouvoir législatif qui risque d’aboutir à de nombreux blocages dans les mois à venir, tant ces partis partagent des idées et des valeurs différentes.

Comment aboutir à un consensus dans ces conditions ? Notre rédacteur en chef Martin Legros a relu John Rawls pour tenter d’esquisser une porte de sortie.

 

Ce matin, en parcourant le “live spécial” des différents sites d’information consacré aux résultats des élections législatives sur mon téléphone, dans le train qui me conduisait à la gare de Lyon, je suis tombé sur un propos saisissant de Stanislas Guerini. Réélu d’une courte tête dans la troisième circonscription de Paris (51 %, soit moins de mille voix d’avance), le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques a semblé reconnaître le séisme électoral et le gouffre politique qui se sont ouverts dimanche soir. De fait, outre que le président de la République perd presque la moitié de ses députés quelques semaines à peine après sa réélection et ne disposera pas de majorité stable à l’Assemblée nationale, il se voit confronté à deux impressionnantes et inattendues vagues noire et rouge, le Rassemblement national (RN) envoyant près de 100 députés au palais Bourbon – du jamais vu dans la Ve République –, tandis que la Nupes de Jean-Luc Mélenchon et de ses alliés parvient, grâce à l’union des parrtis de gauche, à faire élire un peu plus de 130 représentants capables de disputer à Marine Le Pen le titre de “premier opposant”.  

Après avoir admis une campagne “difficile” à la suite de cinq années d’exercice du pouvoir et exprimé sa tristesse pour tous les battus de son camp, Guerini a formulé un diagnostic sur la configuration politique inédite qui s’ouvre. “Mon sentiment, c’est que les Français ont quasiment fait le choix de la proportionnelle par anticipation […]. Il va falloir une capacité à créer du consensus, à créer du compromis à l’Assemblée. Oui, nous sommes dans une situation plus complexe, plus délicate, mais il faudra en sortir quelque chose de positif pour notre pays.” Et d’ajouter : “Nous devons construire texte par texte une majorité générale en convainquant celles et ceux qui ont aussi l’intérêt général chevillé au corps.”

Ce qui m’a retenu dans cette affirmation – au-delà des éléments de langage assez pénibles sur cet “intérêt général” qui serait “chevillé au corps” de ceux qui accepteront de jouer le jeu de majorités occasionnelles –, c’est l’affirmation, de la part d’un des chefs de file d’un mouvement, La République en marche, qui n’a jamais brillé par sa culture du compromis, que le nouvel art politique exigé par la situation reposait sur une “capacité à créer du consensus”, “texte par texte”, au sein d’une Assemblée où les convictions et les intérêts sont pourtant éclatés dans des camps apparemment irréconciliables. 

“Créer du consensus” ? La formule m’a immédiatement fait penser à un concept avancé par le grand philosophe américain John Rawls, le célèbre auteur de la Théorie de la justice (1971), le livre de philosophie le plus commenté du XXe siècle, qui propose un nouveau contrat social, à même de concilier le respect libéral des liberté individuelles et l’ambition sociale de réduire les inégalités à travers une forme de redistribution donnant sa chance aux plus défavorisés. Or, quelques années plus tard, en 1978, Rawls a proposé d’infléchir substantiellement sa “théorie de la justice comme équité”, dans un texte intitulé justement, “L’idée de consensus par recoupement” (repris dans Justice et Démocratie).

L’argument essentiel de Rawls – et le motif de l’inflexion qu’il propose à sa propre pensée – est que les sociétés modernes ne sont pas seulement, comme il avait pu le croire initialement, clivées par des groupes ou des classes ayant des intérêts conflictuels que l’art du compromis, fondé sur une conception partagée du juste et du bien commun, devrait permettre de traiter. Non, comme l’attestent les guerres de religion et de croyance qui n’ont cessé de déchirer l’Europe, les sociétés européennes sont et restent traversées par des clivages idéologiques, philosophiques et religieux dont il est présomptueux de croire qu’ils peuvent être mis sous le boisseau de la délibération publique par seule considération de la justice et du droit.  

Le pluralisme des “conceptions touchant au sens, à la valeur et à la finalité de la vie humaine”, affirme à plusieurs reprises Rawls, est un “fait” irréductible. Qui ne pourrait être dépassé dans un accord public que par “l’usage tyrannique du pouvoir de l’État”. C’est là où intervient l’idée d’un “consensus par recoupement” : il n’est pas destiné à surmonter le pluralisme des conceptions de la vie mais à le traiter politiquement. “L’idée d’un consensus par recoupement doit nous permettre de comprendre comment un régime constitutionnel, caractérisé par le fait du pluralisme, pourrait assurer, malgré des divisions profondes et grâce à la reconnaissance publique d’une conception politique raisonnable de la justice, la stabilité et l’unité sociales.” Et Rawls de tabler à la fois sur le “modus vivendi” qu’a entretenu la pratique de la tolérance entre ces conceptions divergentes et sur les “intuitions fondamentales latentes au sein de la culture politique publique d’une société démocratique” pour parvenir à établir sur des questions précises, circonstanciées, momentanées, un consensus par recoupement. 

Eh bien, sans être utopique, il me semble que c’est le programme philosophique qui attend la France, pour faire face à l’éclatement inédit du paysage politique qui est le sien. Sauf que, loin de l’ambition philosophique envisagée par Rawls, la pratique du “consensus par recoupement” pourrait se monnayer dans des compromis politiques dont la cohérence risque d’être hautement problématique. En effet, un jour, le recoupement se fera avec la droite et l’extrême droite, sur la question de la sécurité par exemple, tandis que l’autre, il se fera avec la gauche et l’extrême gauche sur l’éducation ou la solidarité nationale. Ce qui m’amène à mettre en garde tous ceux qui ont eu l’impression que le dépassement des clivages revendiqué par Emmanuel Macron manquait de cohérence. Nous n’avons encore rien vu. La politique du “En même temps” ne fait peut-être que commencer !

Ce texte est extrait de notre newsletter quotidienne. Abonnez-vous (gratuitement) ici !

Expresso : les parcours interactifs
Faire l’amour
Que fait-on quand on fait l'amour ? Tentons-nous de posséder une part de l'autre, ou découvrons-nous au contraire son mystère, sa capacité à nous échapper sans cesse, faisant redoubler notre désir ?
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
3 min
L’âge du consensus par recoupement est-il venu ?
Martin Legros 07 juillet 2022

La nouvelle répartition des forces politiques au sein de l’Assemblée nationale laisse à penser que le « en même temps », c’est…

L’âge du consensus par recoupement est-il venu ?

Article
3 min
Avishai Margalit : “Il y a beaucoup de mauvais compromis dans cette coalition mais pas de ‘compromis pourris’”
Pierre Terraz 08 juillet 2021

Une coalition politique hétéroclite vient de chasser Benyamin Netanyahou de la tête du gouvernement israélien qu’il occupait depuis douze ans…

Avishai Margalit : “Il y a beaucoup de mauvais compromis dans cette coalition mais pas de ‘compromis pourris’”

Article
6 min
Dominique Rousseau : “Nous avons l’occasion de sortir de soixante ans d’un régime vertical”
Charles Perragin 27 juin 2022

Avec ces élections législatives forçant à la cohabitation tous les partis présents à l’Assemblée nationale, pour Dominique Rousseau, auteur des…

Dominique Rousseau : “Nous avons l’occasion de sortir de soixante ans d’un régime vertical”

Article
17 min
Et Rawls inventa le bon partage
Martin Legros 27 mars 2019

Avec sa “Théorie de la justice”, John Rawls a signé l’ouvrage de philosophie le plus discuté au monde, brandi jusque sur la place Tien’anmen par les étudiants chinois en 1989. Nous vous invitons à découvrir le penseur qui a bouleversé…


Article
2 min
John Rawls et le partage du gâteau
Nicolas Tenaillon 23 juillet 2012

Partager un gâteau de manière équitable peut être un vrai casse-tête. Mais Rawls y voit un moyen de définir un idéal de société reposant sur des principes de justice simples et susceptibles d’être admis par tous.


Article
3 min
John Rawls et le surfeur de Malibu
Cédric Enjalbert 19 septembre 2012

L’auteur de Libéralisme politique (PUF, 1997) considère injuste que quelques-uns se laissent porter par la vague quand d’autres galèrent…


Article
4 min
Vincent Valentin : “Fillon, un libéralisme pragmatique plus que doctrinal”
Vincent Valentin 07 décembre 2016

François Fillon a été élu candidat pour la prochaine élection présidentielle, lors de la primaire de la droite et du centre, le 27 novembre…

Vincent Valentin : “Fillon, un libéralisme pragmatique plus que doctrinal”

Article
10 min
Jean-Louis Margolin : “La persécution des Ouïghours n’est pas un génocide au sens rigoureux du terme”
Pierre Terraz 08 février 2022

Alors que l’Assemblée nationale vient de reconnaître l’existence d’un génocide à l’encontre du peuple ouïghour, l’historien spécialiste de la…

Jean-Louis Margolin : “La persécution des Ouïghours n’est pas un génocide au sens rigoureux du terme”

À Lire aussi
Libertalia, aux origines de l’utopie pirate
Libertalia, aux origines de l’utopie pirate
Par Octave Larmagnac-Matheron
juin 2022
Assemblée nationale : conflits, consensus et grandes manœuvres
Assemblée nationale : conflits, consensus et grandes manœuvres
Par Cédric Enjalbert
août 2022
Assemblée nationale : conflits, consensus et grandes manœuvres
À l’Assemblée nationale, petits consensus et grandes manœuvres
Par Cédric Enjalbert
septembre 2022
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. Législatives : un consensus à l’Assemblée sera-t-il possible ?
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse