La Révolution démocratique verte

Une recension de Maxime Rovere, publié le

Les émotions, fondements du politique : cette idée issue de Spinoza est aujourd’hui l’une des plus actives dans les sciences politiques contemporaines. Pour apporter son eau au moulin, Chantal Mouffe part d’un constat brutal : nous sommes en situation de « post-démocratie » du fait de l’érosion des deux piliers de l’idéal démocratique, l’égalité et la souveraineté populaire. Contre cette post-démocratie, le populisme oppose une représentation ethnico-nationaliste du peuple, image d’autant plus dangereuse qu’elle mène à l’autoritarisme. Face à la gravité de la situation, la question est donc de savoir comment faire aimer la démocratie. Tournant le dos au rationalisme de Habermas, Mouffe commence par diagnostiquer les revendications émotionnelles qui ont suivi la pandémie de Covid-19 : elle relève « un puissant besoin de sécurité et une exigence de protection ». Puis, elle écarte les faux remèdes, le « solutionnisme digital », le « capitalisme vert », etc. « Les gens, observe-t-elle, ont besoin de sentir que leur voix compte et qu’ils sont responsabilisés lorsqu’ils s’engagent en politique ». De là sa proposition : restaurer la valeur de la confrontation agonistique, où l’on peut « s’opposer sans s’entretuer ». Débattre, en somme, mais passionnément. Problème : à quoi pense-t-elle ? Les échanges sur les réseaux sociaux ne montrent-ils pas que cette confrontation vire souvent à la haine ? Les « passions » sont présentées comme un second remède, en tant qu’elles désignent une « force libidinale » qu’il convient d’orienter vers la justice sociale. Pourquoi pas, mais comment ? L’autrice ne le dit pas. Théoriquement intéressant, son livre a l’avantage d’offrir une mise au point assez claire sur la situation actuelle, mais il reste un peu flou quand il s’agit de penser des stratégies ou des concepts pour l’avenir.

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