Ecrits sur la pensée au Moyen Âge

Une recension de Philippe Garnier, publié le

Bernard de Chartres, qui vivait au XIIe siècle, qualifiait les penseurs de son époque, les philosophes de l’Antiquité ainsi que les pères fondateurs de l’Église, de « géants ». Or, tel est le paradoxe de la pensée médiévale : elle aspire à imiter les Anciens alors qu’elle ne cesse d’innover malgré elle. Aussi le lecteur des textes médiévaux doit-il débusquer le neuf sous l’apparence du vieux, tout l’inverse d’une modernité qui se répète en prétendant à la nouveauté.

Cet ouvrage rassemble tous les textes publiés par Umberto Eco sur la pensée médiévale, soit une traversée de mille ans de concepts. La nouveauté surgit sans crier gare : au détour d’un traité écrit par des franciscains du XIIe siècle, on voit émerger la notion balbutiante d’un sentiment « subjectif » du beau, tandis que la logique moderne pointe son nez dans les constructions kabbalistiques de Raymond Lulle. Eco jette des passerelles au-dessus du vide : Joyce devient l’héritier d’un projet de langue unique, prébabélienne, qui obséda Augustin et Dante. Des questions résonnent étrangement à nos oreilles, comme celle de l’authentification impossible des sources originales dans une tradition où les copies et les faux prolifèrent. À sa façon, ce livre-labyrinthe est telle une summa scolastica, l’un de ces monumentaux traités dont Eco dit qu’ils fonctionnaient à la manière d’un cerveau informatique médiéval, où toute question devait recevoir sa réponse.

Traduction de l’italien par M. Bouzaher, M. Javion, F. Rosso et H. Sauvage.
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