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(cc) Wikimedia Commons / Катарина Петровић

Ulrich Beck: “Les toxiques grouillent comme les démons du Moyen Âge”

Ulrich Beck publié le 27 avril 2011 4 min

En 1986, l’année de Tchernobyl, Ulrich Beck signe “La Société du risque”. Il fait apparaître les risques comme l’invisible des modernes, une réalité spéculative produite par la science, mais objet des craintes les plus folles. Seule une délibération élargie au niveau mondial pourra venir à bout de ce nouvel irrationnel. Extrait

Le principe théorique de la conscience du risque [selon Beck, on ne fait jamais l’expérience concrète d’un risque, on s’y rapporte par le biais d’un savoir théorique abstrait, Ndlr] a une signification anthropologique : les menaces apportées par la civilisation donnent naissance à une nouvelle forme de « royaume des ombres », comparable à celui des dieux et démons de la préhistoire, un royaume des ombres qui se cache derrière le monde visible et menace la vie sur cette terre. Aujourd’hui, on ne communique plus avec les « esprits » cachés dans les choses, on est exposé à des « radiations », on ingère des « substances toxiques », et on est poursuivi jusque dans les rêves par la peur d’un « holocauste atomique ». En lieu et place de l’interprétation anthropomorphe de la nature et de l’environnement s’est installée la conscience moderne, civilisationnelle du risque, avec sa causalité latente imperceptible et pourtant omniprésente. Derrière les plus innocentes façades se cachent des substances dangereuses, hostiles. Il faut tout voir deux fois, et seul ce dédoublement permet d’appréhender, de juger correctement. Le monde du visible doit être interrogé, relativisé, jaugé à l’aune d’une deuxième réalité dissimulée en lui. C’est cette réalité seconde et non le monde visible qui recèle les critères de valeur. Si l’on se contente d’utiliser les choses, de les prendre comme elles viennent, si l’on se contente de respirer, de manger sans s’enquérir de la réalité toxique cachée, on est non seulement naïf, mais ignorant des menaces qui planent sur soi, et donc livré à elles sans défense. L’abandon, la jouissance immédiate, le simple être ainsi est brisé. On entend partout les murmures des toxiques et des polluants qui grouillent comme les démons du Moyen Âge. Les hommes leur sont quasiment livrés pieds et poings liés. Respirer, manger, se loger, se vêtir, autant de secteurs qu’ils ont investis. Et partir au loin est tout aussi inefficient que manger du muesli. Car ils nous attendent aussi à notre arrivée, et sont aussi cachés dans les céréales. Ils sont […] toujours déjà là. Leur invisibilité n’est pas un gage de leur non-existence – leur réalité se joue de toutes les façons dans la sphère de l’invisible, et elle donne à leur présence présumée un espace quasi illimité. En prenant conscience de l’existence du risque dans une approche critique de la civilisation, on voit apparaître sur la scène de l’histoire, dans tous les domaines de la vie quotidienne, une conscience de la réalité qui est déterminée sur le plan théorique. Le regard du contemporain tracassé par la pollution est dirigé vers de l’invisible, comme le regard de l’exorciste. La société du risque, c’est l’avènement d’une aire spéculative de la perception quotidienne et de la pensée. Qu’il existe des interprétations contradictoires de la réalité n’est pas une chose nouvelle. L’évolution de la philosophie et de la théorie de la science n’a cessé de placer la réalité au centre de l’interprétation théorique. Mais ce qui se produit aujourd’hui est différent. Chez Platon, dans l’allégorie de la caverne, le monde visible devient une simple ombre, le reflet d’une vérité qui se dérobe fondamentalement à nos possibilités humaines de connaissance. Le monde du visible est donc brutalement dévalorisé, mais il ne cesse pas pour autant d’être un point de référence. Il en est de même de la théorie de Kant selon laquelle les “choses en soi” se dérobent fondamentalement à notre connaissance. On s’en prend là à un « réalisme naïf » qui fait de la perception propre que l’on a des choses un « monde en soi ». Mais cela ne change rien au fait que le monde nous apparaisse de telle ou telle façon ; la pomme que je tiens dans la main, même si elle n’est qu’une chose pour moi, n’en reste pas moins rouge, ronde, toxique, juteuse, etc.

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Article issu du magazine n°49 avril 2011 Lire en ligne
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