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Hieronymus Bosch, Les Sept Péchés capitaux et les Quatre Dernières Étapes humaines (v. 1500), détail : table de la paresse. Musée du Prado, Madrid. © Bridgeman Images

Généalogie

Le couvre-feu, une discipline héritée du Moyen Âge

Ariane Nicolas publié le 15 octobre 2020 3 min

Un couvre-feu de 21 heures à 6 heures du matin, en Île-de-France et dans huit métropoles, pendant au moins quatre semaines. Lors de son interview télévisée hier au soir, mercredi 14 octobre, Emmanuel Macron a annoncé cette mesure exceptionnelle visant à enrayer la “seconde vague” de Covid. À Paris, c’est le premier couvre-feu décrété depuis 1961. Mais alors, d’où vient cette dénomination ? À quoi fait-elle référence ? A-t-elle toujours eu cette tonalité policière ou militaire ? Pour le comprendre, nous avons interrogé Jean-Claude Schmitt, historien spécialiste du Moyen Âge. Il explique notamment que loin d’être une mesure d’urgence en situation de guerre ou d’instabilité civile, le couvre-feu est historiquement d’abord une mesure de « bon sens » réglant le rythme des journées et des nuits dans les villes.

 

La naissance du « couvre-feu » au Moyen Âge. Le couvre-feu voit le jour au Moyen Âge, au début du XIIIe siècle. À l’époque, les maisons sont en bois et les risques d’incendies nombreux. « Sur ordonnance municipale, on impose aux citadins d’éteindre leur cheminée à la tombée de la nuit, relate l’historien Jean-Claude Schmitt. Il ne s’agit pas seulement de protéger les demeures des voleurs et d’éviter les incendies. La sonnerie qui retentit pour signaler le couvre-feu correspond aussi à l’heure à partir de laquelle on ne doit plus travailler. » Au Moyen Âge, en effet, règne une relative égalité dans le monde du travail, au sein de chaque corporation : les producteurs (artisans, commerçants…) « doivent globalement produire la même chose. Le couvre-feu permet de régler cette organisation, de surveiller les travailleurs et d’empêcher que certains passent par-dessus les autres », complète l’historien, auteur de nombreux ouvrages de référence sur la période, dont Les Rythmes au Moyen Âge (Gallimard, 2016).

Pas de couvre-feu sanitaire. Au Moyen Âge, le couvre-feu est donc urbain, quotidien et sans connotation tragique ni sécuritaire. « Le couvre-feu rythme la vie des citadins en créant une séparation nette entre le jour et la nuit. D’une certaine manière, il égalise les rythmes de tous les habitants », commente Jean-Claude Schmitt. Le danger n’est pas à l’extérieur de la ville, comme lorsqu’on évoque ce mot aujourd’hui, mais bien à l’intérieur des bâtisses. Il faut donc s’imaginer les villes médiévales plongées dans le noir dès la nuit tombée, à l’exception de quelques torches vibrionnant ici ou là, « surtout devant les riches demeures » ou à l’entrée des villes (l’éclairage public n’émerge véritablement qu’au XVIIIe siècle). Dans l’histoire, aucun couvre-feu ne semble en revanche avoir été mis en place pour des raisons sanitaires. Si mesure radicale il y a, jusqu’à la fin de l’époque moderne, elles prennent plutôt la forme de cordons sanitaires ou de restrictions de mobilité, mais sans contrainte horaire précise : c’est plus la question de l’espace que du temps qui importe. 

Se rendre invisible pendant les bombardements. Avec la généralisation des bâtiments en pierre, le couvre-feu perd peu à peu de son utilité. Cette mesure ne semble refaire surface qu’au XXe siècle, avec la menace des bombardements aériens (durant la guerre d’Espagne et la seconde Guerre mondiale, notamment). La notion conserve encore l’idée d’une plongée dans l’obscurité, puisque le couvre-feu est imposé pour se prémunir contre les bombardements aériens, les cibles devenant plus difficiles à cerner. « Pendant la seconde Guerre mondiale, les Allemands imposent le couvre-feu dans les villes françaises pour garantir l’ordre et éviter que la résistance ne s’organise, poursuit Jean-Claude Schmitt. L’expression se militarise. D’ailleurs, son emploi par Emmanuel Macron fait écho à sa formule “Nous sommes en guerre” déployée pendant le confinement. » 

Une mesure désormais sécuritaire. De nos jours, le « couvre-feu » recoupe une troisième dimension, qui n’est plus liée au fait de se terrer dans le noir mais de ne plus avoir le droit de sortir de chez soi. La menace s’est extériorisée, comme si l’image du feu avait voyagé des crépitantes cheminées aux incendies dans la rue provoqués par des émeutiers. Mais le couvre-feu reste une mesure d’exception, depuis la seconde Guerre mondiale. En octobre 1961, le préfet Maurice Papon décrète un couvre-feu à Paris ciblant les « Français musulmans d’Algérie ». Le 17 octobre, une manifestation d’Algériens organisée par la Fédération de France du FLN contestant cette interdiction finira de manière sanglante, avec des dizaines de morts (les chiffres précis restent discutés). Le couvre-feu durera jusqu’à la signature du cessez-le-feu du 19 mars 1962. C’est la dernière fois qu’une telle mesure (qui ne concernait d’ailleurs pas toute la population) avait été mise en application dans la capitale.

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