Amour - déconstruction d'un sentiment

Une recension de Anne-Sophie Moreau, publié le

Ses talents de conteur et son physique de jeune premier ont fait de lui un intellectuel médiatique : avec Qui suis-je ? Et, si je suis, combien ?, son premier essai de philosophie vendu à un million d’exemplaires en Allemagne, Richard David Precht est devenu une véritable star Outre-Rhin. Au lycée, son intérêt pour la zoologie le faisait pourtant passer pour un nerd, a-t-il confié au magazine féminin allemand Brigitte. Un sérieux dont ne se dépare pas son nouvel opus : loin de livrer les clés d’une romance réussie, Amour. Déconstruction d’un sentiment décortique un à un les mythes qui se sont succédé pour analyser nos passions. N’en déplaise à la psychologie évolutionniste, qui cherche chez bonobos et campagnols l’explication de nos émois : « Pour comprendre l’amour, il faut dépasser la biochimie et l’étude des instincts pour pénétrer dans la psyché humaine et dans la culture », affirme l’auteur. Renvoyant dos à dos féministes, généticiens et marchands de bonheur, Precht balaie des théories qui, sous couvert de rigueur scientifique, véhiculent des clichés institués par nos sociétés. On découvre ainsi le psychologue Simon Baron-Cohen, cousin de l’acteur Sacha Baron-Cohen alias « Borat », qui explique l’autisme par un excès de testo-stérone dans la formation du cerveau. Selon Baron-Cohen, l’hormone favoriserait la pensée systématique chez les hommes au détriment de l’empathie, évidemment féminine ! Loin des préjugés scientistes, Richard David Precht voit plutôt dans l’amour une « projection désordonnée » influencée par le souvenir du lien parental. Élevé par des militants d’extrême gauche, il a lui-même connu une enfance particulière dont il a fait un roman adapté à la télévision. En définitive, il se peut que l’amour ne renvoie à rien de réel : « Il n’en reste pas moins que tous les amoureux voient dans leur amour un “film” qu’ils tournent ensemble », admet le philosophe. Comédie ou film d’horreur, à vous de choisir votre scénario. 

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