Le Bac philo est-il une loterie?
Chaque mois de juin, tandis que les élèves de terminale passent l’épreuve de philo, revient un même débat. Les critères d’évaluation font l’objet de discussions serrées. Mais derrière les divergences des correcteurs, se dessinent de véritables enjeux philosophiques.
« C’est vrai, Madame, l’histoire de l’élève qui a eu 20 avec une copie blanche en réponse à un sujet sur le pari de Pascal ? » Chaque année, la même question revient sur les lèvres des candidats, s’amuse Louisa-Marques dos Santos, prof de philo et correctrice du bac depuis seize ans. Et lorsqu’elle demande à ses élèves ce qui les pousse à prêter foi à une telle rumeur, elle se voit invariablement répondre : « Madame, la philo au bac, tout le monde sait que c’est le Loto… » L’anecdote prêterait à rire si cette idée était convoyée par les seuls élèves. Il n’en est rien. Lancez le sujet de l’épreuve de philo au bac lors d’une soirée, il y a fort à parier qu’un convive, avant un procès en règle de l’enseignement de la philosophie au lycée ou pour justifier une note exécrable, parle de tirage au sort, voire de roulette russe. Le dénigrement atteint même les sphères politiques. Rares ont été les ministres de l’Éducation nationale qui n’ont eu leur petite phrase assassine à propos de la notation de l’épreuve écrite de philo du bac, François Bayrou la qualifiant explicitement de loterie…
Alors ? Idée reçue ou vérité ? La revue Diotime no 6, juin 2000[1] a tenté, il y a quelques années, de répondre à la question en publiant une étude de Jean-Marie Matagne, professeur de philosophie et membre de l’Association pour la création d’instituts de recherche sur l’enseignement de la philosophie (Acireph). On y constate, à l’issue d’une correction des mêmes copies par deux enseignants, qu’une copie sur dix est notée avec 4,5 à 6 points d’écart. Par ailleurs, on remarque des écarts selon les sujets proposés. Si le premier sujet de dissertation, classique (« Peut-on faire la guerre au nom des droits de l’homme ? »), a été noté de manière semblable, le second, plus abstrait (« Y a-t-il de l’indiscutable ? »), a produit un écart de 2 points entre la moyenne du premier correcteur (9,3) et celle du second (7,5). Enfin, l’épreuve du commentaire de texte a suscité la plus forte divergence : 2,5 points d’écart de moyenne selon l’examinateur, les notes du premier se distribuant entre 6 et 16, celles du second se regroupant entre 5 et 11. Comment expliquer cette disparité ? « Les professeurs ne sont pas tous d’accord sur la façon dont on doit corriger l’exercice du commentaire de texte, explique Serge Cospérec, l’actuel président de l’Acireph. Certains pensent qu’une explication de texte suffit, d’autres arguent qu’il faut l’accompagner d’une réflexion personnelle ; et là-dessus les circulaires ne sont pas assez explicites. »
Pour préciser son étude, Jean-Marie Matagne a élargi son panel de correcteurs. À l’occasion des vraies épreuves du bac, les fac-similés de six copies tests ont été remis à treize professeurs. Les disparités entre les notes ont, cette fois, frisé l’extravagance. La première copie a été notée de 6 à 12 ; la deuxième de 9 à 16 ; la troisième de 6 à 12 ; la quatrième de 7 à 14 ; la cinquième de 5 à 10 et la sixième de 6 à 11. Soit des écarts du simple au double pour la plupart d’entre elles ! Paradoxalement, ces écarts ne reflètent pas toujours des divergences d’appréciation : « Certains correcteurs utilisent largement l’échelle des notes, note Jean-Marie Matagne. Quand d’autres se restreignent à peu de valeurs. » Un noyau dur de correcteurs ne sortant pas des 7, 8 et 9… Résultat : une assez bonne copie pourra être notée 14 par tel professeur, 12 par tel autre, voire 9 par un autre encore.
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