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Mathias Roux - Cyril Delhays. ©Collection personnelle  - ©Nicolas Tavernier/Réa

L’art de bien parler au bac

Pour ou contre le grand oral du bac ?

Cyril Delay publié le 20 juin 2022 5 min

Cyril Delay, auteur d’un rapport sur le grand oral pour le ministère de l’Éducation nationale en 2020, et Mathias Roux, professeur de philosophie s’opposent sur le bien-fondé de cette épreuve phare de la réforme du baccalauréat sur laquelle vont plancher les lycéens cette semaine.

 

Pour / Cyril Delay : « La fin d’un privilège »

Qu’y a-t-il de commun entre des élèves de 6e, de 1re STMG et des étudiants de Sciences-po ? Ils peuvent apprendre en une journée à parler en public et, pendant plusieurs minutes, à porter devant une assemblée un discours clair et précis.

Avec le grand oral du bac, nous mettons fin à un privilège. Jusqu’à présent, seule une minorité de personnes, des privilégiés, accédaient à la compétence de parler en public. En ne l’enseignant pas, on l’interdisait aux élèves. Nous n’hésitions pas à nous féliciter d’être la démocratie modèle, le pays des droits de l’homme et de la liberté d’expression. Quelle curieuse conception de la démocratie où savoir parler en public de façon claire et convaincante restait l’apanage des âmes bien nées !

Les Françaises et les Français dans leur immense majorité souffrent leur vie durant de cette incompétence. Combien en ai-je rencontré en vingt ans d’enseignement, des femmes et des hommes vivant dans la peur de prendre la parole, englués dans la spirale de la mésestime de soi alimentant elle-même l’angoisse de parler en public !

Pour justifier cet état de fait, on laissait entendre que la qualité d’une oratrice ou d’un orateur résultait d’un talent de naissance : n’est-ce pas une fée qui s’est penchée sur son berceau ?! Ou le produit d’une république qui s’accommodait d’une pensée superstitieuse et magique ? En vingt ans, j’ai formé et accompagné près de 10 000 personnes à la prise de parole, de tous âges, de 10 à 70 ans, de tout niveau de responsabilité, de l’adolescent en rupture avec le système éducatif, dit aussi « décrocheur », jusqu’au dirigeant. Les fondamentaux s’acquièrent en une journée. C’est plus rapide que d’apprendre à nager ou à faire du vélo. Et comme pour la nage ou le vélo, une fois acquise, c’est une compétence gagnée pour la vie entière.

Comme d’habitude lorsqu’il s’agit d’un progrès social, la plupart des opposants n’en sentent pas la nécessité, parce qu’ils font déjà partie des bénéficiaires. Ils mobilisent toutes les armes de la rhétorique pour dire « Il ne faut pas le faire… ou plus tard… Et c’est pour votre bien ! » Ils refusent de partager un art qui leur donne, tant qu’il n’est pas diffusé, un ascendant sur les autres.

Avec le grand oral et l’oral du chef-d’œuvre [dans le cadre d’un CAP], le service public de l’Éducation s’est enfin donné l’objectif de transmettre l’art de la parole et sa maîtrise à tous les élèves : plus de 700 000 bacheliers chaque année ! C’est un levier de l’égalité des chances qui incite désormais les enseignants, de la maternelle à la terminale, à faire de l’oral une compétence pour tous. Mais aussi un principe d’apprentissage. L’élève français, trop souvent considéré comme un simple réceptacle, sagement assis dans des classes disposées en couloir de bus, devient davantage acteur de son éducation, un futur citoyen. Il peut se tenir debout, adresser son regard tout autour de lui, développer et partager au fil des ans sa propre parole, et affûter, au fil des entraînements, sa pensée.

 

Contre / Mathias Roux : « La forme au détriment du fond »

A priori, rien ne s’oppose à l’idée que l’évaluation de l’acquisition d’un savoir puisse ne pas systématiquement passer par une production écrite. Entre autres parce qu’un élève manifeste parfois à l’oral la maîtrise d’un sujet dont il ne peut faire la démonstration à l’écrit. Notamment quand celui-ci prend la forme canonique de la dissertation qui, formation et attendus scolaires obligent, tourne souvent au procédé formel. Ce n’est donc pas pour préserver le monopole de l’écrit qu’un grand nombre de professeurs, de philosophie en premier lieu, sont vent debout contre l’instauration du grand oral au baccalauréat, alors qu’ils ne sont pas opposés, par principe, à l’introduction d’épreuves orales.

Comme toujours, comprendre la critique exige de replacer une micro-mesure dans une perspective plus large – ici la réforme du lycée, elle-même ne prenant sens que rapportée à l’action d’ensemble d’une majorité politique. Le grand oral accompagne donc une réorganisation du lycée délétère qui transforme la fin du secondaire en une course d’orientation et de sélection pour les études supérieures. La pression mise sur le lycéen, obligé de faire les bons choix de spécialités pour ne pas voir les portes du « post-bac » se refermer, le conduit à instrumentaliser les disciplines et les savoirs au service de la valorisation de son parcours personnel. Obnubilés dès 16 ans par leur CV, nos adolescents sont sommés de se concevoir en entrepreneurs d’eux-mêmes, cherchant à maximiser leurs chances de réussite, en conformité avec la théorie néolibérale du capital humain !

Cette même idéologie inspire les concepteurs du grand oral qui d’emblée l’envisageaient comme une opportunité de faire valoir des compétences sociales. En effet, sans ancrage disciplinaire spécifique, l’oralité se réduit à des fonctions de communication qui valorisent la forme plutôt que le fond. Et même au détriment du fond qui devient un prétexte. Sans être inintéressantes en soi, les qualités visées (aisance, prestance, pouvoir de convaincre), compte tenu de la mise en œuvre du grand oral voulue par la réforme, le sont pour elles-mêmes et non au service d’une démonstration de savoir, seule finalité légitime d’un examen de fin de scolarité. Il s’agit, à travers ce gadget, de préparer le plus tôt possible à l’entretien de recrutement, dans l’esprit du nouveau lycée qui incite l’adolescent à se penser toujours plus tôt en promoteur de soi.

À partir de telles prémices et en l’absence de tout horaire spécifiquement dédié à l’apprentissage de l’éloquence, l’exercice ne relève que de la rhétorique, « cette ouvrière de la persuasion » qui, selon Socrate, « fait croire [au lieu de nous aider] à distinguer le juste de l’injuste ». Dans Gorgias, il relevait déjà les écueils d’une pratique visant davantage à plaire qu’à dire le vrai : « La rhétorique n’a nullement besoin de connaître les choses en elles-mêmes, de manière à paraître aux yeux des ignorants plus savants que ceux qui savent. » Et contre Calliclès qui se vante, grâce à elle, de « pouvoir, sans avoir appris d’autre art que celui-là, égaler tous les spécialistes », le maître de Platon oppose un autre usage du logos, la raison faite langue, au service de la recherche de la vérité.

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