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© Manuel Braun pour PM

L’entretien

William T. Vollmann: “Explorer les frontières”

William T. Vollmann, propos recueillis par Cédric Enjalbert publié le 30 mai 2013 14 min

Pas un coin du monde ne lui échappe. Intime des extrêmes, William T. Vollmann, rencontré à l’occasion des Assises internationales du roman organisées par la Villa Gillet, sonde la violence et la pauvreté pour en comprendre les ressorts, convaincu que le réel est toujours plus fort que les concepts.

Lorsqu’on le retrouve, l’Américain William T. Vollmann revient tout juste de trois semaines d’excursion. Où ? Dieu seul le sait. Lui garde le secret. L’écrivain-journaliste, baroudeur stylé, esthète infréquentable, est pourtant un type affable derrière ses lunettes au carré. Intime de la violence, de la pauvreté et de la guerre, il a frayé aux côtés des moudjahidines, combattant contre les Russes en Afghani­stan en 1982, avant de partir à la recherche du roi de l’opium en Birmanie. Peu après l’accident nucléaire de Fukushima, il sillonnait les campagnes japonaises irradiées jusqu’à pénétrer le cœur de la « zone interdite », en imper usé et godasses crevées, avec un dosimètre en plastique. Certains ont vu l’écrivain chez les Inuits, en immersion pour un roman, traversant le Cambodge de Pol Pot ou les bars interlopes de Tokyo, à la traîne des yakuzas. Il embarquait à près de 50 ans, à bord de trains de fret, jouant au « clochard céleste » sur les pas de Thoreau et de Mark Twain, « préférant, selon la formule, être un hors-la-loi pendant un an dans la forêt de Sherwood que président des États-Unis à jamais ».

MiniBio / William Tanner Vollmann en six dates

  • 1959 Naissance à Los Angeles (Californie, États-Unis), le 28 juillet
  • 1982 Fraîchement diplômé de littérature comparée, rejoint les moudjahidines en Afghanistan
  • 2000 Publie The Royal Family (La Famille royale)
  • 2003 Publie Rising Up and Rising Down (Le Livre des violences) après vingt-trois ans de travail
  • 2005 Reçoit le National Book Award pour Central Europe
  • 2011 Part au mois de mars en reportage à Fukushima, deux semaines après la catastrophe

Pas un coin du monde ne lui échappe. Auteur du Livre des violences, une somme monumentale modélisant un « calcul moral » justifiant le recours à la violence, Vollmann le reporter s’est penché sur le Purgatoire de Dante, à l’université. Il sonde désormais les tréfonds pour en brosser, dans ses romans, la divine comédie. Sa plume doit à Hubert Selby autant qu’à Steinbeck, son style à Walker Evans, son éthique à Marx et Platon, avec lesquels il dialogue.

Américain des débuts, soit individualiste charitable amateur d’armes et de whisky, néanmoins familier de Montaigne et de Sade, Vollmann fut agent d’assurance et programmeur informatique. Aujourd’hui, il vit dans un ancien resto mexicain de Sacramento. Il héberge les clochards sur son parking mais ferme sa porte blindée à triple tour. Il peint, tire ses clichés argentiques et fréquente les prostituées pour qu’elles lui racontent des histoires, tristes ou gaies. Il paye pour ça, convaincu qu’« une bonne histoire n’est qu’un corbillard qui vous conduit jusqu’au terminus où vous attend l’épitaphe ».

 

Pour dix euros, vous raconteriez une histoire triste ?

William T. Vollmann : Il était une fois une prostituée que l’on appelait Gloria. Gloria se tire une balle dans la tête et vit heureuse le restant de ses jours.

 

Et une histoire drôle ?

La même, sans doute. Et vous pouvez garder vos dix euros.

 

Pourquoi payer pour qu’on vous raconte des histoires ?

J’ai écrit une trilogie sur les prostituées, dont je n’avais qu’une très petite expérience. Il me fallait les approcher pour créer des personnages crédibles, avoir du matériau pour commencer à inventer. C’est ma méthode de travail : pour écrire, il me faut rencontrer des dizaines d’individus, des caractères… Bref, affronter le réel.

Savez-vous pourquoi tant de films et de livres sentimentaux stupides se fourvoient ? Parce qu’ils se contentent de réduire leurs personnages à des fonctions. Or savez-vous ce que sont les prostituées ? Ce ne sont pas simplement des femmes qui font l’amour pour de l’argent ; ce sont des conductrices de taxi qui racontent des histoires. Vous prenez place, la voiture vous conduit. Il faut débourser pour chaque kilomètre de récit. C’est ma théorie.

 

Cette théorie vaut aussi pour vos enquêtes journalistiques ?

Oui. Lorsque, par exemple, je mène une enquête sur la pauvreté, je suis animé de bonnes intentions. Mes motivations sont honnêtes : rendre compte du réel, aider à comprendre le monde et mes semblables. Mais c’est aussi mon business. Si j’écris des livres, il me faut les vendre pour continuer à écrire. Selon Marx, chacun essaie de reproduire sa force de travail. Les gens pauvres m’aident à poursuivre mon affaire. Il est juste que je les rémunère en retour. C’est ma façon de résoudre le problème de l’exploitation. Imaginons que je m’attelle à une enquête sur la richesse. Un millionnaire fera peu de cas d’un petit billet. Mais peut-être que je lui proposerai un café, histoire de manifester de l’intérêt. La considération aura de la valeur pour lui.

 

«De Platon, je retiens qu’il ne faut jamais laisser notre savoir prendre le dessus sur notre ignorance»

William T. Vollmann

La frontière entre la fiction et le journalisme, dans vos ouvrages, est souvent ténue. Comment les distinguez-vous ?

Dans la fiction, je suis libre d’introduire des éléments journalistiques, comme dans beaucoup de mes romans. La frontière entre le journalisme et la fiction, en revanche, est claire. Quand je mène une enquête, je peux me mettre en scène, mais j’essaie de relater les faits exactement comme ils sont, comme je les vois du moins. Même si mon travail relève par certains aspects de la philosophie, la réalité m’est toujours apparue plus forte que les concepts. Mais je demeure pragmatique et j’emploie, bien entendu, mes compétences d’écrivain pour rendre compte de cette réalité.

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Article issu du magazine n°70 mai 2013 Lire en ligne
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