Voltaire. Le courtisan insolent
« Il me paraît essentiel qu’il y ait des gueux ignorants. (…) Quand la populace se met à raisonner, tout est perdu », écrit Voltaire en 1760, à l’aube des grands combats qui vont le rendre si populaire. Difficile de reconnaître dans ces propos élitistes l’idole républicaine sculptée par les révolutionnaires de 1789. C’est pourtant en se fissurant que la statue de Voltaire s’anime et laisse apparaître les mues successives du poète mondain en philosophe des Lumières, puis en intellectuel engagé, qui monte au créneau à presque 70 ans pour défendre les victimes de l’intolérance religieuse. Par-delà les contradictions de l’homme, tiraillé entre la liberté de pensée et la fascination du pouvoir, se révèle une pensée complexe, opposée au dogmatisme religieux autant qu’au matérialisme athée, partagée entre une foi optimiste dans le progrès humain et le sentiment pessimiste d’une profonde absurdité de la vie.
Voltaire est né François-Marie Arouet le 21 novembre 1694 à Paris, d’un père notaire, issu d’une famille de tanneurs poitevins. Après des études au collège Louis-le-Grand, où il excelle en versification, il veut s’illustrer dans les deux genres les plus prestigieux du XVIIIe siècle, la poésie et le théâtre. Mais sur les injonctions de son père, il se résigne à entrer en apprentissage chez un magistrat. Il s’y morfond lorsqu’un client de son père, ancien conseiller de Louis XIV, se propose de l’accueillir et le régale de ses récits. Plus tard, les bons mots de François-Marie, plein d’esprit mais peu clairvoyant, font mouche à la Cour de Sceaux, foyer d’opposition à Philippe d’Orléans, devenu Régent en 1715. Tenu pour l’auteur de vers outrageants à l’égard de celui-ci, il est relégué en province et, après s’être naïvement vanté auprès d’un indicateur de police, il se voit incarcéré à la Bastille pour onze mois.
Sa passion amoureuse et intellectuelle avec émilie du Châtelet
La prison lui sert de leçon : l’insolence exige la maîtrise des règles de la société. C’est un homme nouveau qui en sort, monsieur de Voltaire, délesté d’un patronyme trop facile à railler (à rouer). En 1718, sa première pièce, Œdipe, triomphe à la Comédie Française. Il imite habilement Corneille et Racine, et provoque : « Nos prêtres ne sont point ce qu’un vain peuple pense / Notre crédulité fait toute leur science. » Voltaire mesure pourtant l’inconfort du statut d’écrivain dans la société d’Ancien Régime. Pour être libre, il faut être riche : faute de pouvoir compter sur l’héritage de son père, qu’il ne touchera qu’à 35 ans s’il a adopté une « conduite réglée », il se lance dans des affaires financières juteuses, liées notamment au commerce colonial. Son grand poème épique, La Henriade, obtient le succès escompté, mais c’est de Versailles que Voltaire attend la reconnaissance. Sur le point de se faire enfin un nom à la Cour, lorsque l’épouse de Louis XV lui accorde une pension, il est apostrophé à l’Opéra par le chevalier de Rohan-Chabot, d’illustre famille. « Monsieur de Voltaire, Monsieur Arouet, comment vous appelez-vous ? » La répartie est cinglante : « Monsieur, je commence mon nom et vous finissez le vôtre. » Quelques jours plus tard, Voltaire est rossé à coups de gourdin, et nul ne prend sa défense. C’est une terrible claque pour lui, qui voit dix ans d’efforts ruinés par un mot d’esprit ; bouffon devenu gênant, il est embastillé deux semaines.
«Apostrophé par Rohan-Chabot, d'illustre famille: "M. de Voltaire, M. Arouet, comme vous appelez-vous?", il a cette répartie cinglante: "Monsieur, je commence mon nom et vous finissez le vôtre»
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