Verlyn Flieger : Tolkien et la magie des mots
Tolkien l’écrivain était avant tout philologue. Passionné de mots, il développa une pensée du langage, dans lequel il voit l’essence même de la mythologie. Verlyn Flieger donne quelques clefs de cette philosophie singulière.
Peut-on parler d’une philosophie du langage de Tolkien ?
Verlyn Flieger — C. S. Lewis a dit un jour que Tolkien avait été « à l’intérieur du langage ». Tolkien était un philologue. Il étudiait les langages dans les textes, les contes, les poèmes, les légendes, etc. – et non comme un système abstrait et statique de signes et de signification. Dans un brouillon de son essai sur le conte de fées, il écrit que « la mythologie est langage et le langage est mythologie ». Pour lui, la mythologie n’utilise pas le langage, elle est langage. Le langage n’exprime pas la mythologie, il est mythologie. Dès lors que nous parlons, nous racontons des histoires. Les histoires ne sont pas un produit dérivé du langage. Dans la version finale de Du conte de fées, Tolkien écrit ainsi : « L’esprit incarné, la langue et le conte sont contemporains dans notre monde. […] Demander quelle est l’origine des récits revient à demander quelle est l’origine de l’esprit et du langage. »
Qui vise-t-il ?
Un philologue allemand, Max Müller [1823-1900], qui considérait les mythes comme une « maladie » corrompant selon lui un langage originel parfaitement clair et sans ambiguïté. Tolkien critique particulièrement la théorie des « mythes de la nature » qui en découle. Dans cette approche, dit Tolkien, « les Olympiens étaient des personnifications du soleil, de l’aurore, de la nuit, etc. […] L’épopée, la légende héroïque, la saga localisèrent alors ces histoires en des lieux réels et les humanisèrent en les attribuant à des héros ancestraux, plus puissants que les hommes et pourtant déjà hommes. »
Selon Müller, les histoires sont secondaires et, qui plus est, rendent confuse la description originale des phénomènes de la nature, en introduisant des images ou des métaphores. Tolkien n’est pas du tout de cet avis, comme en témoigne, par exemple, son évocation du dieu nordique du tonnerre Thor. Ainsi écrit-il qu’« il serait […] dénué de sens de demander ce qui vient en premier : les allégories de la nature sur le tonnerre […] ou des histoires au sujet d’un fermier à la barbe rousse, irascible, pas très intelligent, d’une force au-dessus de la moyenne ». « Le conte de fées cessant, il n’y aurait plus que le seul tonnerre, que nulle oreille humaine n’avait encore entendu », poursuit-il.
Tolkien défend plutôt la théorie de l’unité synthétique du langage originel développée par son ami Owen Barfield ?
Selon Barfield, le langage originel est constitué de mots à la signification très large, qui, au fil du temps, au gré des usages, se sont peu à peu fragmentés en éléments toujours plus discret et précis. Selon lui, l’homme percevait originellement le monde comme un tout, et lui-même comme une partie de ce tout, non comme un élément séparé. Une vision non pas synthétique (la synthèse suppose de rassembler des éléments originellement séparés) mais holistique. À cette époque, les significations que nous répartissons en différents mots étaient entremêlées dans des « unités sémantiques » primitives beaucoup plus amples, qui ne distinguaient pas entre l’abstrait et le concret, entre le sens littéral et le sens métaphorique, etc.
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