Une IA peut-elle jouer un rôle de DRH ? Dialogue entre Julia de Funès et Christophe Catoir
L’intelligence artificielle transforme en profondeur le monde du travail. Un sujet parmi d’autres : le recrutement, de plus en plus confié à des machines. Jusqu’où une IA peut-elle « bien décider » ? La philosophe Julia de Funès et Christophe Catoir, PDG de l’entreprise d’intérim Adecco, en parlent dans cet extrait de notre livre : Le Sens de la tech. Actuellement en librairie ou en vente sur notre site.
Peut-on remplacer l’entretien individuel par de l’analyse sémantique, effectuée par une IA, pour juger le travail d’un individu ?
Christophe Catoir : Compter entièrement sur une technologie comme l’analyse sémantique pour comprendre un collaborateur ou évaluer le management me semble là aussi extrêmement risqué. Il existe des modalités de coaching digital, mais à la fin, il faut un vrai coach qui va définir et suivre de vrais objectifs. D’ailleurs, pour que le collaborateur s’approprie ce mode de coaching, il faut qu’il ait l’impression d’avoir été compris. Il faut de l’incarnation pour susciter la confiance. Je ne suis guère optimiste sur le rôle managérial de la technologie. Elle peut aider, apporter un support pour l’évaluation. Mais il faut avoir une discussion autour des indices qu’on utilise. Pour moi, la décision doit appartenir à quelqu’un qui essaie de construire un tout homogène avec les collaborateurs. Dieu sait que c’est difficile.

Julia de Funès : Quant à moi, vous savez que même le vrai coach ne me rassure pas, bien au contraire ! Trop souvent, les hordes de coachs en toc noient les singularités dans des kits comportementaux éprouvés, des méthodes convenues, des classifications de couleur et autres babioles qui réduisent l’individu à un schéma type et le moi à un exemplaire, jusqu’à le chloroformer dans des postures convenues. Dans votre réponse, vous êtes discrètement passé du coaching digital au coach puis au manager, et en effet je crois que votre glissement est révélateur. Seul le manager qui vit la mission en saisit les enjeux, construit, comme vous dites, un tout homogène avec une équipe, et peut se permettre de « juger » le travail personnel effectué. Enfin, les outils d’IA sont formidables pour analyser, comparer, diagnostiquer ; moins pour saisir la part irrationnelle inhérente à chaque humain. Si je reprends votre exemple de la pédagogie : un même élève peut rencontrer des difficultés avec tel professeur, et devenir excellent avec tel autre. Un élève peut adorer une matière avec untel et la détester avec un autre professeur. Tout cela ne relève évidemment pas de la logique algorithmique.
C. C. : Notre culture est très émotionnelle : les personnes réagissent plus avec le cœur et les tripes qu’avec la tête. Quand vous avez la capacité de parler au cœur des gens sans manipulation, ils le sentent tout de suite. Et si vous êtes fake, ça se sent aussi. Dans le secteur industriel, on trouve des cultures fondées davantage sur le rationnel, facts and figures, comme disent les Anglais. Mais d’autres leviers sont efficaces. On ne peut pas tout modéliser, et il ne faut surtout pas le vouloir. Ce qui fait la différence, c’est aussi le plaisir au travail, c’est d’y trouver un environnement propice à sa personnalité, à son mode d’épanouissement. Est-ce que la technologie peut sonder ça ? Je ne suis pas certain que ce soit son rôle.
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