Frédéric Worms : “Nous sommes des animaux empathiques”
Pour le philosophe Frédéric Worms, nous n’accédons à la vie morale qu’à travers nos relations concrètes. Mais, selon lui, l’empathie, cette capacité à se mettre à la place des autres, n’est pas seulement naturelle, elle est le fruit d’une construction.
En matière de bien et de mal, tout commence avec l’expérience. C’est la vie même qui fait surgir ces idées. Avant d’être des normes abstraites, le “bien” et le “mal” sont d’abord des catégories spontanées. Nous les découvrons dans le rapport concret, vital, avec autrui. À l’origine, le bien est ce qui est bon pour nous, ce qui satisfait nos attentes ; inversement, le mal est synonyme de souffrance ou de privation. Mais, chez l’être humain, ces états de plaisir ou de douleur sont immédiatement rapportés aux intentions d’autrui ; celui-ci est perçu comme bienveillant ou malveillant – il me donne à manger ou me refuse toute nourriture. Comme le dit Rousseau dans l’Émile, celui qui me veut du bien, je l’aime ; celui qui me veut du mal, je le hais. L’éveil aux notions de bien et de mal se fait dans de telles polarités, inévitables et inséparables : plaisir/douleur, bienveillance/malveillance, amour/haine. Ensuite, l’apprentissage relationnel va être prolongé par un apprentissage plus rationnel et réflexif. Si autrui se montre méchant avec moi, à l’école par exemple, je vais commencer par me poser des questions sur le bien et le mal en soi – a-t-il le droit de se comporter de la sorte ? À ce stade intervient l’enseignement de la morale proprement dite. Celle-ci, au sens de règles universelles de comportement, se transmet ainsi dans un second temps ; ce qui est premier, ce sont nos intuitions relatives à ce que l’autre nous fait.
Je ne deviens un sujet moral que par l’entremise, le truchement d’autrui. Mais il existe différentes façons de concevoir ce rapport entre lui et moi. Pour Emmanuel Levinas, le face-à-face, la relation interhumaine, est fondatrice de l’éthique. Autrui m’apparaît dans son “visage” et, dès que je le vois, je ressens l’interdit de le violenter, de le tuer. Or cet interdit est difficile à respecter, dit Levinas, parce que nous nous sommes habitués à considérer autrui comme un objet, une chose. Dès lors, l’alternative est simple : soit nous cherchons à dominer autrui ; soit nous nous mettons à son service, nous nous effaçons devant lui. Cette seconde option est caractéristique de l’éthique levinassienne : selon lui, il convient d’accorder la priorité absolue à autrui, de s’y dévouer entièrement. C’est là une conception radicale de la morale : elle est unilatérale – le “je” dépend de l’autre – et obéit à un modèle vertical – autrui doit être placé au-dessus de moi.
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