Sophie Galabru : “La colère réveille la raison à ses intérêts”
La démocratie n’est pas le refus du conflit. Bien au contraire ! Telle est la thèse défendue par la philosophe Sophie Galabru, qui réhabilite dans son livre Le Visage de nos colères un affect largement dévalorisé par la tradition philosophique et redouté par les pouvoirs en place.
Existe-t-il de bonnes et de mauvaises raisons de se mettre en colère ?
Sophie Galabru : Non. La colère est un signal corporel qui manifeste une menace, la perception d’un abus ou d’une injustice. Elle pousse à dessiner les marques de notre territoire, à réagir pour conquérir une liberté, un droit ou pour défaire une domination. Quand des philosophes comme Socrate s’intéressent à la colère, ils considèrent que la raison doit la reprendre en main pour qu’elle ne devienne pas irrationnelle et sauvage. Aristote, lui, la prend pour un signal sensible intelligent, qui doit être accompagné d’une réflexion. En radicalisant cette position, je dirais que la colère a sa propre intelligence, qu’elle peut même éveiller une conscience, réveiller la raison à ses intérêts et à des motifs de lutte ou de résistance légitimes.
Les rassemblements et manifestations de « gilets jaunes » vous ont fait réfléchir aux bienfaits de la colère. De quelle façon ?
Il y avait dans ce mouvement une colère incarnée mais aussi du désespoir et de la peur, parfois de la joie. Toute une gamme d’émotions se déployait dans cet élan de revendications qui n’a pas cherché de représentants. Il ne s’est pas appuyé sur ce que le philosophe Peter Sloterdijk appelle des « banques de colère ». Le sentiment physique d’étouffer, de ne pas vivre correctement, a grandi pour se transformer en une demande de changement politique : le référendum d’initiative citoyenne, une autre répartition des pouvoirs… Mais nous avons eu du mal à l’entendre, d’une part, par peur de la vindicte, par l’inquiétude de perdre des privilèges, et, d’autre part, tout simplement par la crainte de voir des habitudes bousculées. Leurs colères ont été discréditées en répétant cette idée reçue et erronée que la raison doit être « désaffectée ».
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